SOS RACISME : RAPPORT SUR LA DISCRIMINATION AU LOGEMENT
RÉGION PARISIENNE (4)
Comment aller à l’essentiel malgré tout ?
Le vivre ensemble et la paix sociale
Sur le fond
Faire que la diversité des origines, géographiques, langues, cultures, communautés… servent l’unité de la France et la Nation.
Comment y parvenir sans une intégration réussie ?
Qu’est-ce que l’intégration ?
Les conditions du vivre ensemble heureux
—Respect et reconnaissance de l’autre.
—Respect des règles communes.
—Respect de soi.
Ce n’est pas vivre côte à côte, ni en troupeau dans le même enclos. C’est vivre l’un avec l’autre, l’un pour tous et tous pour l’un.
Le respect est la première condition qui garantit un vivre ensemble heureux.
Le vivre ensemble s’apprend. Le vivre ensemble exige un effort constant de dépassement de soi, l’entrée en rapport avec l’autre, non par le numérique, mais par le contact physique ou spirituel, par le regard, l’attention, l’effort constant de présence à l’autre.
Mais il manquera toujours un élément essentiel au vivre ensemble, s’il ne s’accompagnait du penser ensemble, d’agir ensemble, pour construire ensemble le présent et le futur par tous, pour tous.
Les conditions d’une intégration réussie
L’intégration ainsi comprise n’est pas une option, ni un choix, mais un impératif qui s’impose à tous : immigrés, Français. Il y va de la paix sociale, en vue de l’épanouissement de tous.
Français d’origine, citoyens français d’origine étrangère, étrangers ayant choisi de s’établir en France… chacun, à son niveau, doit nécessairement prendre part à cette œuvre essentielle de paix sociale pour la construction d’un avenir commun, source de progrès individuel et collectif.
Les Africains (ou leurs parents) issus des anciennes possessions françaises d’Afrique, disposent de cet outil essentiel qui devrait contribuer à leur ouvrir les portes de la nation : la langue française qui est pour la plupart d’entre eux, plus qu’une langue : une maison, un refuge, une famille, une patrie. Pour les autres, la maîtrise de la langue n’est pas un choix mais une nécessité, une obligation, pour connaître, se faire connaître, pour comprendre et se faire comprendre.
Mais on ne peut s’intégrer seul, encore faut-il que ceux à qui on tend la main, à cette fin, daignent vous regarder.
Comment s’intégrer alors qu’ils vous tournent le dos ou refuse de vous regarder en face ?
La Civilisation, c’est aussi la capacité de s’émanciper de ces peurs ancestrales sans fondement qui nous éloignent les uns des autres.
Assimilation, association sont, avec indigènes, sans doute les trois mots les plus utilisés officiellement durant toute la colonisation française, sans que ni les Français, ni les indigènes ne puissent en apprécier la portée exacte dans le quotidien.
« Assimilation » prend sa source dans la révolution de 1789, précisément dans ces propos du révolutionnaire Condorcet : « Une bonne loi devrait être bonne pour tous les hommes ». Ces propos sont précisément à l’origine de l’égalité et la justice pour tous, c’est-à-dire de l’« égalité républicaine » contre les préjugés de couleur, de religion et de condition.
L’assimilation crée donc le citoyen égal à tous les autres citoyens, à égalité de droits et de devoirs.
De l’assimilation, au sens de fusion totale de l’indigène dans la nation française et son mode de vie intégral, on passe à l’« association » qui est définie alors comme une seule entité rassemblant le peuple français et les peuples des colonies, chaque partie conservant ses identités propres, mais tous évoluant ensemble vers le progrès, avec les mêmes droits et devoirs.
Le français, outil précieux d’intégration
Concernant l’intégration de nos jours, il ne s’agit pas de niveler : langues, identités, cultures, mais la pratique de la langue doit être l’objet d’une forte incitation. Elle doit être la condition de l’octroi de certains privilèges et prestations dont sont bénéficiaires les étrangers ou immigrés. La liste de ces prestations peut être l’objet d’une concertation inspirée par le souci des droits humains et celui de la générosité qui caractérise le peuple français.
De même il doit être demandé avec une forte incitation, aux étrangers établis sur le sol de France, d’éviter autant que possible l’usage de langues non comprises de la majorité des Français car, comment vivre avec les autres en usant d’une langue que les autres ne comprennent pas ?
Dans le même ordre d’idée, l’attention des mêmes doit être attirée sur le respect des usages en vigueur dans le pays d’accueil, tels que bruits et comportements bruyants non nécessaires, dans les lieux publics, notamment les transports en communs : bus, trains, ou dans des lieux confinés : cabinets médicaux, salles d’attente…
D’une manière générale, il convient d’éviter toutes les formes de nuisances de nature à gêner l’entourage.
[C’est le lieu de noter que les Africains n’ont pas le monopole des nuisances sonores. J’ai dû déménager à deux reprises avec ma famille, dans cette grande ville de l’ouest de la France (voisins blancs) pour échapper aux nuisances : musique à tue-tête, éclats de voix, tous les soirs, jusque tard dans la nuit.]
À la base, le respect réciproque, le civisme, sont les fondements du vivre ensemble, auxquels s’ajoutent une certaine dose de civilité et une pointe d’empathie selon les tempéraments et les circonstances.
En tout état de cause, la réciprocité constitue la règle de base.
Qui connait les Africains ?
D’hier à aujourd’hui
Les Français le savaient-ils ? Le savent-ils aujourd’hui ?
Les Français connaissaient-ils leurs colonies d’Afrique noire et leurs habitants en 1947 ?
Un véritable cri d’alarme avait été cependant lancé par les autorités françaises, ainsi que par les milieux coloniaux dans les années 1920-1930, après le constat de la profondeur de l’ignorance manifestée par une majorité de Français vis-à-vis de leurs colonies. Conscients de cette distance entre les Français et les Africains colonisés, les groupements coloniaux de même que quelques responsables politiques, jugèrent impératif la mise en œuvre d’une politique active d’« éducation coloniale » : éducation à l’Afrique et à ses habitants, bref, aux réalités économiques et humaines des colonies.
En définitive, il n’y eut pas de géographie coloniale dans les programmes scolaires en France qui puisse permettre de connaître les colonisés d’outre-mer (comme cela avait été suggéré alors), ni apprentissage des langues indigènes, ni éducation des Français à l’Afrique et aux Africains.
On en connaît quelques conséquences de nos jours.
Les Français dans leur immense majorité, connaissent beaucoup moins l’Afrique et les Africains de nos jours que du temps de la colonisation. Ils ne manifestent non plus aucune volonté de les connaître davantage, se contentant pour l’essentiel de préjugés et de stéréotypes anciens, solidement ancrés dans les mémoires depuis le début du 19e siècle, voire les 17e et 18e siècles.
En conséquence, beaucoup pensent toujours, que les Africains vivent dans les arbres et se nourrissent de cueillette et de lézards.
Par ailleurs beaucoup de Français seraient dans l’embarras de distinguer les anciennes colonies françaises des possessions britanniques ou portugaises de jadis, c’est-à-dire les actuelles Afriques francophone, anglophone, lusophone. De même ils ignorent totalement les origines et les objectifs de l’actuelle « Institution de la Francophonie » qui prend sa source en Afrique, dans le cerveau de quelques chefs d’État africains.
Rien d’étonnant par conséquent que beaucoup de Français commettent l’erreur de se représenter encore l’Afrique comme un bloc monolithique, alors qu’en réalité, il s’agit d’un vaste continent, le plus varié, le plus divers à tout pont de vue : géographique, économique, culturel, linguistique, humain…
Le terme le plus juste serait plutôt « Les Afriques ».
Quoi de commun à cet égard, entre un Gabonais et un Malien, entre un Nigérian et un Sénégalais…, hormis la couleur de peau et la colonisation européenne ?
Comment, dans ces conditions, demander aux Français un effort de discernement entre francophones et lusophones en France ? Pour eux, un Noir, c’est un noir, c’est tout. À quoi bon chercher plus loin ?
En outre, la plupart de nos compatriotes ont une vision binaire, une perception extraordinairement réduite, déformée, du monde et de l’histoire des peuples. Face au Noir notamment, cette vision se résume en deux réalités tranchées : le Blanc et le Noir, le Dominant et le dominé.
On est parfois effaré de constater, chez beaucoup de Français, une ignorance inqualifiable non seulement de l’histoire des colonies françaises d’Afrique mais aussi de leur propre histoire dans ses rapports avec l’Afrique.
Alors, face au Noir d’Afrique, on s’accroche au peu que l’on sait : le vocabulaire « petit nègre » que tout le monde comprend : « Toi, y en a quel pays ? »
On ne peut alors s’empêcher de penser au mot d’André Gide, visiblement assuré de la pérennité :
« Moins le Blanc est intelligent, plus le Noir lui paraît bête. »
André Gide (1869-1951)
Passer des barrières qui divisent
Aux ponts qui relient
Des actes, non des mots.
« Une étude " Les discriminations dans l’accès au logement à Paris : une expérience contrôlée", menée par la fédération TEPP du CNRS, porte sur les offres à la location privée dans Paris intra-muros, qu’elles soient publiées par des agences immobilières ou directement par les propriétaires sur des sites de mise en relation de particuliers (Le Bon Coin, ParuVendu etc.)
[…]
Les conclusions sont sans appel : un candidat perçu comme étant d’origine maghrébine a en moyenne un tiers de chances en moins de recevoir une réponse à sa demande. Pire encore, lorsque ce même candidat mentionne son statut de fonctionnaire, marquant ainsi une stabilité financière, son taux de réponses reste inférieur à celui d’un candidat perçu comme d’origine « française ancienne », ne précisant rien sur sa situation (15,5% contre 18,7%). A contrario, une personne au patronyme « français ancien » indiquant sa stabilité financière atteint un taux de réponses de 42,9% !Il apparaît dans cette étude que les personnes issues des pays d’Afrique subsaharienne sont celles qui ont le moins de chances d’obtenir une réponse favorable à leur demande…
[…]
Il est urgent d’éveiller les consciences et que les pouvoirs publics prennent enfin toutes les mesures nécessaires afin de mettre un terme à ces discriminations qui touchent bon nombre de nos citoyens ! » (https://sos-racisme.org/discrimination-au-logement-un-rapport-edifiant).
Ce rapide survol de quelques réalités à l’origine des préjugés dont les Noirs sont l’objet en Europe, d’une manière générale, donne sans doute une idée des difficultés à briser les stéréotypes qui enserrent l’existence de ceux qui en sont les victimes permanentes.
« Les humiliations subies ne s’oublient pas. Elles se transmettent de génération en génération ».
On vit avec ses blessures intérieures, qu’on sublime ou que l’on porte indéfiniment.
Quels sont les objectifs précis assignés au Rapport de SOS Racisme dénonçant les discriminations au logement ?
Sans aucun doute, il faut plus qu’un rapport pour atteindre cet objectif. Un des intérêts de ce rapport, c’est d’éveiller les consciences afin de susciter la nécessaire réflexion sur le chemin à parcourir afin de parvenir au but : le vivre ensemble, la paix sociale et l’épanouissement de tous.
Une œuvre de longue haleine
Un travail de Sisyphe ?
Cette véritable œuvre de « réhabilitation »et de fraternisation que suppose l’objectif du Rapport de SOS Racisme, se heurte à deux écueils de taille :
—l’écueil en Afrique : la faillite humaine, économique et politique de nombre d’États du continent. Il est illusoire de vouloir soigner l’image de l’Afrique et des Africains en Europe, si elle ne l’a pas été préalablement en Afrique.
—l’écueil tout aussi redoutable en France (en Europe d’une manière générale), lié à l’image de l’Afrique et des Africains, dont un certain nombre —force est de l’évoquer— ne soignent pas cette image, bien au contraire, l’abîment profondément. Or, les Français ne sont pas experts en fait de discernement, dès lors qu’il s’agit des ressortissants d’Afrique. Aussi, un Noir qui vole, ce sont tous les Noirs qui sont catalogués de voleurs. Un Noir qui ment ou triche, tous les Noirs sont menteurs ou tricheurs. Le pire, c’est l’image gravement dépréciée qu’offrent les « trafiquants de stupéfiants », qui de ce fait ruine irrémédiablement toute respectabilité due à un continent.
La réussite de toute action de réhabilitation est forcément conditionnée à celle de la lutte en vue de neutraliser tous ceux qui enfreignent la loi.
Tâche certes difficile mais non impossible.
Des programmes spécifiques d’« initiation à la France » et à la vie en France, seront élaborés à cette fin, sous l’égide et la collaboration des municipalités, des Conseils généraux et régionaux.
Quant à l’Afrique, ce dont ce continent a le plus grand besoin de nos jours, c’est d’un sursaut d’audace pour briser les chaînes multiples qui l’entravent, ainsi que d’un sursaut d’orgueil pour émerger.