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2 février 2020 7 02 /02 /février /2020 13:16

LE PANAFRICANISME, UN BEAU RÊVE INACCESSIBLE ?

Des mots aux actes, un échec retentissant

Rappel d’un concept et d’un mouvement politique né hors d’Afrique, pour l’Afrique.
Le Panafricanisme fut, à l’origine, un mouvement initié par des Noirs américains (du Nord et du Sud). L’Antillais
Georges Padmore y joua un rôle de premier plan.
Les principaux inspirateurs du mouvement, qui laissèrent leur nom à la postérité sont :
W. E. Dubois, Marcus Garvey.

Marcus Garvey (1887-1940)

Marcus Garvey reste dans les mémoires, par son inlassable activité pour le respect et la dignité des Noirs. Ce natif de Jamaïque (alors colonie britannique), fit connaître le mouvement à l’échelle internationale, en militant sans répit pour la création des « États-Unis d’Afrique ». Cependant son objectif premier fut l’union de tous les Noirs du monde et le retour de tous en Afrique.
Ces activités multiples firent de lui, l’homme le plus recherché par le FBI. Il fut notamment expulsé des États-Unis vers la Jamaïque.
Malgré tout il continua ses activités et à faire parler de lui, de son île natale.

George Padmore (1903-1959)

L’inlassable militant africaniste
L’Afrique chevillée au corps

Natif de la Trinité, George Padmore (né Malcolm Ivan Meredith Nurse (1903-1959)) fut  sans aucun doute le plus actif, le plus inspiré des premiers militants panafricanistes. Journaliste, il se rendit aux États-Unis pour y poursuivre des études universitaires. Après l’obtention d’un diplôme de Droit il regagna son pays.
Son séjour aux États-Unis semble avoir fait de lui un « 
antiraciste convaincu » et qui agit en ce sens.
Afin de couvrir ses activités militantes, mais aussi pour éviter que sa famille soit inquiétée par la police américaine, il changea de nom et adopta celui de
George Padmore.
Il adhéra également au Parti communiste des États-Unis. L’une des principales activités de la police américaine était aussi la traque de ces militants communistes.
Padmore s’affilia en même temps à plusieurs associations antiségrégationnistes.
En 1934, il rompit avec le communisme et l’Union soviétique, liée, selon lui, à des puissances coloniales, notamment la France et la Grande-Bretagne, mais adhéra au Parti socialiste.

Cap sur l’Afrique

Padmore se rendit en Afrique, qu’il considère comme le terrain idéal de lutte contre l’impérialisme et le colonialisme où il y a tant à faire : indépendance des colonies et unification de l’Afrique notamment. En un mot, la réalisation du panafricanisme.
Au congrès panafricaniste de Manchester en 1945, il joua le 1er rôle. Il y rencontra d’anciens amis qu’il avait connus lors de ses études aux États-Unis : J
omo Kenyatta (futur président du Kenya) et surtout Kwamé Nkrumah (futur président du Ghana).
En 1957, lors de l’indépendance du Ghana,
K. Nkrumah invite Padmore aux cérémonies de l’indépendance et le nomme conseiller aux Affaires africaines. Padmore y déploie une énergie sans relâche, participe dès lors, à toutes les conférences et congrès organisés par les africanistes. Il prend des initiatives sur le plan social, culturel… conjointement à la lutte pour l’indépendance de toutes les colonies africaines.
Padmore joue un rôle éminent dans l’organisation et le déroulement de la « Conférence des États indépendants d’Afrique», invité par le président Nkrumah dans la perspective de la libération de toutes les colonies d’Afrique au début des années 1960. (En effet, depuis 1955, la loi Gaston Defferre invite les colonies qui le souhaitent à prendre leur indépendance.)
De plus
Padmore dénonce les religions, de même que les rivalités ethniques, selon lui « facteurs de division et de régression ».
Il meurt subitement en 1959, au moment même où il travaillait à un projet consistant à instituer une seule et même langue pour tous les peuples d’Afrique, ce qui selon lui, favoriserait l’unité du continent ainsi que son développement. Il eut droit à des obsèques nationales.

Kwamé Nkrumah (1909-1972)

Un panafricain de la première heure

Kwamé Nkrumah s’engagea très tôt dans le mouvement panafricanisme au contact des initiateurs sur le sol d’Amérique.
Dès son arrivée au pouvoir, après l’indépendance, il fit preuve d’une conscience inébranlable dans la nécessité de réaliser d’urgence l’unité du continent afin de parvenir à son développement et à son rayonnement.
Son objectif, mieux son obsession, c’est la réalisation de l’unité de l’Afrique. C’est pour lui la condition de la solidarité constructive entre tous les peuples du continent, l’unique moyen de parvenir au développement et au progrès.
L’occasion s’offrait avec la tenue de la Conférence des États africains indépendants qui se réunit à Accra, la capitale du pays, du 15 au 22 avril 1958. Au cours de cette rencontre, le président ghanéen, exhorte ses homologues à s’engager dans l’aide aux peuples encore sous la domination coloniale, afin de hâter leur libération. Il les exhorte également à bannir toute forme de violence dans les méthodes de gouvernement.
Pour donner l’exemple il accorda une aide multiforme précieuse au président du nouvel État de Guinée qui venait d’obtenir son indépendance de la France.
Peu après, il fonda, avec ce pays, une union fédérale à deux, à laquelle se joignit le Mali, sous le nom de « 
Union Ghana, Guinée, Mali ».

Une politique qui effraie par son audace ?

Le 24 février 1966, le président Nkrumah est renversé, victime d’un coup d’État, alors qu’il se trouve en Chine où il effectue un voyage officiel à l’invitation du président chinois.
Il décline l’aide proposée par des États amis du bloc de l’Est et refuse toute résistance par la violence.
Le président
Sékou Touré de Guinée l’invite à venir s’installer dans son pays et lui propose la « coprésidence » de la Guinée. Mais le désormais ancien président du Ghana décline poliment l’offre et se rend en exil en Roumanie où il décède le 24 avril 1972.
Selon certaine sources, sa chute aurait été décidée par les États-Unis qui ne l’aimaient pas, dit-on, par la C.I.A. Mais il était aussi honni par quelques chefs d’États africains qui l’accusaient de vouloir introduire le communisme en Afrique.

Quelques-unes de ses citations résument, seules, l’essentiel de sa vision de l’Afrique et de son futur :
« 
Il est clair que nous devons trouver une solution africaine à nos problèmes et qu’elle ne  peut être trouvée que dans l’unité africaine. Divisés, nous sommes faibles, unie, l’Afrique pourra devenir pour de bon l’une des plus grandes forces de ce monde. »

Modibo Keita : le Soudan français devient République du Mali

Si l’idéal des initiateurs et premiers acteurs du Mouvement africaniste ne fut pas atteint en Afrique, plus ou moins qu’ailleurs au monde, ce continent connut au moins quelques personnalités (natives de cette terre d’Afrique ou venues d’ailleurs) qui montrèrent, dans leur action politique, qu’ils partageaient cet idéal au service de la justice sociale, cet humanisme sans frontière.

Modibo Keita (1915-1977)

 

Modibo Kéita, comme plusieurs hommes politiques africains d’avant l’indépendance des colonies françaises, tel le président de Côte d’Ivoire, Houphouët Boigny, le président du Sénégal, du Niger… , était citoyen français — au moins depuis la Constitution de 1946 — et, à ce titre occupa des postes politiques à l’Assemblée française, dans des cabinets ministériels…
Modibo Keita fut donc, comme eux, Français avant 1960 et, à partir de cette date, homme politique du Soudan français, son pays natal.
Son action d’homme public se caractérise pour l’essentiel par cet idéal constant : l’unité de l’Afrique. Il fut de ceux qui étaient particulièrement attachés à cet objectif. Il accéda de façon régulière aux hautes charges politiques après la première partie de sa carrière en France.

Deux qualificatifs semblent le désigner : « Africaniste » et « Tiers-mondiste ». (Cela rappelle la réconciliation entre le Maroc et l’Algérie engagés dans une guerre fratricide, appelée alors la « guerre des sables ».)
Membre fondateur parmi les plus actifs du premier parti appelé à devenir une émanation de l’assemblée de l’Afrique : le « 
Rassemblement Démocratique Africain » (RDA), fondé à Bamako en 1946.
Il milita activement pour la fondation de ce qu’il considérait comme un embryon et un pilier de l’unité du continent. La « 
Fédération du Mali » rassemblant au début 5 États, mais n’en fut que 2 : le Soudan français et le Sénégal. Puis des dissensions entre eux mirent prématurément fin à cette expérience de « fusion continentale ».
Modibo Keita trouva sans doute une consolation dans la proposition que lui fut alors son homologue ghanéen, Nkrumah, la formation d’une union, (qu’il croyait être le début de cette « unité africaine », tant rêvée). Avec le Ghana, la Guinée et le Mali, baptisée « Fédération Ghana, Guinée, Mali »

Une nouvelle république du Mali

Rentré à Bamako, la capitale, Keita prit l’initiative de changer le nom du pays, en abandonnant celui qui lui fut donné par le colonisateur au 19e siècle. Le Soudan français devient République du Mali. Il en prit la présidence de 1960 à 1968.
Ses réformes et son action politique, économique… ont-elles heurté des habitudes ? le point de rupture fut l’abandon du Franc CFA pour le Franc Malien, créé en 1967.

Modibo Keita fut renversé en novembre 1968 par une junte militaire, emprisonné dans le Nord du pays où il meurt en 1977.

À la disparition du Grand Homme de Bamako, les nouveaux maîtres du pays, ceux-là mêmes qui ont mis un terme prématurément à son pouvoir et à sa vie, annoncèrent sa mort de façon on ne peut plus sommaire : « Modibo Kéita, ancien instituteur à la retraite, est décédé des suites d’un œdème aigu des poumons. »

 

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26 janvier 2020 7 26 /01 /janvier /2020 09:13

AFRIQUE, UN CONTINENT AU DESTIN SINGULIER.
IMAGES ET PENSÉES,

HIER, AUJOURD’HUI ET DEMAIN  (3)

Afrique, 1960-2020
60 ans d’indépendance !

À quand la décolonisation ?

                                                                                      (Atlas de l’Afrique, Les Editions du Jaguar)
L’Afrique fin 19e siècle-1914
L’Afrique européenne

Les possessions françaises dessinent un vaste arc de cercle du Sénégal au Congo, incluant les immensités arides ou semi-arides du Sahara et du Sahel occidental.

Au début du XXe siècle, le partage du continent est pratiquement achevé. Seuls les Éthiopiens préserveront leur indépendance.

                                                            (Idem)

 

En amont de l’idée d’indépendance africaine, le Panafricanisme, un concept né ailleurs.

Ce vocable : panafricanisme, joua un rôle éminent de catalyseur des consciences noires dans le monde, de la fin du 19e siècle à la fin de la Deuxième Guerre mondiale (1900-1945).

Le mot panafricanisme ne doit pas faire illusion : il s’agit alors de tous les peuples noirs du monde, aussi bien en Afrique qu’en Amérique (du Nord et du Sud), comme en Orient, en Asie…
Les initiateurs ou inventeurs de ce mot pensant alors que tous les peuples noirs du monde ont un seul berceau, l’Afrique, et un lien au moins symbolique (ou imaginaire) avec ce continent. 
En effet, pour la période, avant et après le 19e siècle, tous ces peuples noirs connaissaient partout le même sort.
Les résolutions des différentes rencontres de peuples noirs, attestent cette communauté de sort, de même que celle des ambitions et vœux : mettre un terme aux discriminations liées à la couleur de peau…
Le premier du genre, qui eut un véritable retentissement planétaire, se tint à Londres, du 20 au 25 juillet 1900.

1er congrès panafricain, Londres, 1900

Un choix riche de sens : date et lieu
Le premier temps des rassemblements des peuples noirs du monde

1900 : c’est la date qui clôt le 19e siècle, qui ne fut pas le siècle des peuples de couleur, où qu’ils vivent, en Afrique ou ailleurs. Pourtant ils présentent les mêmes revendications des droits d’égalité, de conditions, bref ,les mêmes rêves de vie meilleure.
Londres, c’es la capitale de la plus grande puissance coloniale du moment, qui possède l’empire le plus vaste, le plus peuplé et le plus divers par les peuples indigènes qui le constituent.
Les peuples noirs du monde, rassemblés, y présentèrent leurs doléances aux puissances du moment.

« A sa Gracieuse Majesté, Reine de la Grande-Bretagne et de l'Irlande, Impératrice de l'Inde, et Défenseur de la foi.

 

Qu'il plaise à Votre Très Gracieuse Majesté.

 

"Nous soussignés, représentant la Conférence panafricaine récemment tenue à Londres, et constituée de femmes et d'hommes d'origine africaine provenant des diverses Colonies de Votre Majesté en Afrique de l'Ouest et du Sud, des Antilles et d'autres pays comme les États-Unis, le Liberia, etc., attirons votre auguste et compatissante attention sur la situation alarmante des autochtones en Afrique du Sud. Les raisons sont les suivantes:

  1. Le système dégradant et illégal des camps de travailleurs qui prévaut à Kimberley et en Rhodésie.
  2. Les soi-disant « contrats de travail » du système de l’indenture, en vérité, une forme légalisée d'asservissement des indigènes - hommes, femmes et enfants -, aux colons blancs.
  3. Le travail forcé sur les chantiers publics.
  4. Le système de « passeport » ou fiche de renseignements, utilisé pour les personnes de couleur.
  5. Les règlements locaux qui n'ont souvent pour seuls résultats que de discriminer et dégrader les autochtones. Il s'agit en l'occurrence du couvre-feu, de l'interdiction faite aux autochtones de marcher sur les trottoirs, et de l'utilisation de transports publics séparés.
  6. Les difficultés rencontrées pour acquérir des propriétés.
  7. Les difficultés dans l'obtention du droit de vote.

Par conséquent, nous espérons que l'influence de Votre Majesté sera utilisée afin que ces maux sur lesquels nous venons d'attirer votre attention soient guéris, afin de promouvoir ainsi la véritable civilisation parmi vos sujets autochtones, ce que vos mémorialistes, par devoir, louerons toujours.

Considérant que les Noirs occupent aujourd'hui une position peu enviable en tout lieu, il a été jugé nécessaire de lancer un appel général à toutes les nations du monde. La lettre suivante a été proposée et approuvée à l'unanimité par la Conférence.

 

Adresse aux nations du monde

Au sein de la métropole du monde moderne, en cette année qui vient clore le dix-neuvième siècle, un congrès d'hommes et de femmes de sang africain s'est réuni afin de délibérer solennellement sur la situation actuelle et à venir des races de couleur de l'humanité. Le problème du vingtième siècle est celui de la différenciation des races, à savoir jusqu'où les différences de races - qui se manifestent surtout par la couleur de peau et la texture des cheveux - serviront d'argument pour refuser à plus de la moitié du monde, le droit de jouir, autant qu'elle le peut, des opportunités et des privilèges de la civilisation moderne.

Certes, conformément aux critères européens, les races de couleur sont aujourd'hui, culturellement, les moins avancées. Cependant, cela n'a pas toujours été le cas par le passé, l'histoire mondiale, à la fois ancienne et moderne, a indubitablement fourni plusieurs exemples de l'existence de talents et de capacités non négligeables parmi les races de couleur de l'humanité.

Quoi qu'il en soit, le monde moderne ne doit pas oublier qu'à l'époque où nous vivons, alors que notre planète se rétrécit de plus en plus, les millions d'hommes noirs en Afrique, en Amérique, et dans les îles, sans parler des multitudes jaunes et brunes ailleurs encore, sont destinés à avoir une grande influence dans le monde à venir, de par leur nombre même ainsi qu'au travers des contacts physiques. Si le monde cultivé s'efforce de donner aux Noirs et aux autres hommes de couleur, de plus nombreuses et de plus grandes occasions permettant leur développement autonome et leur éducation, ce contact et cette influence seraient alors amenés à avoir un effet bénéfique sur e monde et à accélérer le progrès de l'homme. »

 

Puis suivent des mises en garde à l’attention des mêmes puissances, au cas où leurs doléances demeureraient sans réponse.

 

« Mais si, au contraire, en raison des négligences, des préjugés, de la cupidité et de l'injustice, le monde noir est exploité, violé et dégradé, les résultats en seraient déplorables, voire fatals, non seulement pour lui-même, mais au regard des idéaux élevés de justice, de liberté et de culture défendus durant des milliers d'années par la civilisation chrétienne.

C'est pourquoi, aujourd'hui, nous, les hommes et les femmes d'Afrique -assemblés dans ce congrès mondial, en appelons solennellement à ces idéaux de civilisation, à la plus haute humanité de ceux qui sont fidèles au prince de la paix :

 

Que le monde ne fasse pas marche arrière dans ce lent mais sûr chemin du progrès qui a tour à tour empêché l'esprit de classe, de caste, des privilèges, ou de la naissance, d'interdire à l'âme humaine en lutte, la vie, la liberté et la recherche du bonheur.
Que la couleur ou la race ne soient pas des critères de distinction entre les noirs et les blancs, sans tenir compte du mérite ou des capacités.

Que les indigènes d'Afrique ne soient pas sacrifiés sur l'autel de la cupidité, ne laissez pas leur liberté être bafouées, leur vie de famille débauchée leurs justes aspirations réprimées, ne les laissez pas être privés des voies du progrès et de la culture.

Que, dans le futur, le masque de l'entreprise missionnaire chrétienne ne cache pas, comme il l'a si souvent fait par le passé, l'impitoyable exploitation économique et l'effondrement politique des nations les moins développées, dont la principale faute a été de croire en la foi sans issue de l'Église chrétienne.

Que la nation britannique, la première championne moderne de la Liberté du Noir, puisse hâter le couronnement de l'œuvre de Wilberforce, Clarkson, Buxton, Sharpe, de l'évêque Colenso et de Livingstone, et accorder, le plus rapidement possible, les droits digne d'un gouvernement responsable aux colonies noires d'Afrique et des Indes Occidentales.

Que l'esprit de Carrison, Phillips et Douglas ne s'éteigne pas entièrement en Amérique ; puisse la conscience d'une grande nation s'élever et blâmer toute la malhonnêteté et l'injuste oppression envers les Noirs-Américains, et leur octroyer le droit de vote, la sécurité des personnes et la propriété, ainsi que la généreuse reconnaissance du formidable travail qu'ils ont accompli en une génération en faisant passer neuf millions d'êtres humains de la condition d'esclave à celle d'être humain.

Que l'empire allemand et la République française, fidèles à leur insigne passé, se souviennent que la véritable valeur des colonies réside dans leur prospérité et leur progrès, et que la justice, impartiale, pour les noirs comme pour les blancs, est le premier élément de cette prospérité.

Que l'État Libre du Congo devienne un grand état noir occupant une place centrale dans le monde, et que sa prospérité ne se mesure pas seulement à sa richesse et à son commerce, mais aussi au bonheur et au véritable progrès de son peuple noir.

Que les nations du Monde respectent l'intégrité et l'indépendance des nouveaux États noirs d'Abyssinie, du Liberia, de Haïti, et des autres, et que les habitants de ces États, les tribus indépendantes d'Afrique, les nations, aient du courage, se battent sans cesse, et luttent vaillamment afin de prouver au monde leur droit incontestable à faire partie de la communauté des hommes.

Ainsi, nous appelons, avec confiance et vigueur, les Grandes Puissances du monde civilisé, confiant en leur esprit ouvert d'humanité, et dans le sens profond de justice de notre époque, à reconnaître généreusement la vertu de notre cause. » (Recueils d’articles d’archives)

Les congrès, les conférences pour la reconnaissance et les droits des peuples noirs sont pour ceux-ci, un lieu de rassemblement et de résolutions ; ils sont nombreux avant la Première et la Deuxième Guerre mondiale.
La tonalité est quasiment la même et les espoirs qu’ils font naître, également.
Le congrès tenu à Kingston le 1er août 1914, puis à New-York, le 1er avril 1920, sous le titre de « Universal Negro Improvement Association (UNIA) » ne fait pas exception à la règle.

« Déclaration des droits des peuples nègres du monde

 

Rédigée et adoptée à la Convention tenue à New York en 1920, pendant laquelle Marcus Garvey a présidé et a été élu Président Provisoire de l'Afrique.

 

(Préambule)

 

Considérant que le peuple Nègre du monde entier, à travers ses représentants choisis réunis en Assemblée à Liberty Hall, dans la ville de New York des États-Unis d’Amérique, du 1er au 31 août de l’an mil neuf cent vingt (1920)  de l’ère chrétienne, a protesté contre les méfaits et injustices de la part de leurs frères Blancs, et a proclamé ce qu’ils estiment juste et équitable , un meilleur traitement pour les années à venir.

 

Nous dénonçons le fait que :

  1. Nulle part dans ce monde, à quelques exceptions près, les Nègres, bien que dans les mêmes conditions et les mêmes situations que les Blancs, ne soient traités de la même manière , ils sont au contraire victimes de discrimination et les droits élémentaires requis pour des êtres humains leur sont refusés uniquement du fait de leur race et de leur couleur. Nous ne sommes pas bienvenus dans les hôtels et auberges publics du simple fait de notre race et de notre couleur.
  2. Nous dénonçons le fait que, dans certaines régions des États-Unis, en cas d’accusation criminelle, notre race se voie refuser le droit au jugement public accordé aux autres races ; mais que les accusés soient lynchés et brûlés par la foule, et que ce traitement brutal et inhumain soit même réservé à nos femmes.
  3. Que les nations européennes se soient partagés entre elles le Continent africain et en aient pris quasi totalement possession; que les indigènes soient contraints d'abandonner leurs terres et traités dans la plupart des cas comme esclaves.
  4. Que, au Sud des États-Unis, bien que citoyens protégés par la constitution fédérale et parfois aussi nombreux que les Blancs dans certains États, bien que nous soyons des propriétaires terriens et imposables, nous ne sommes ni associés à l'élaboration et à l'administration des lois, ni représentés aux gouvernements, alors que nous sommes tout autant propriétaires de terres et soumis à l'impôt, et contraints au service militaire.
  5. Que, au Sud des États-Unis, dans les transports en commun, nous soyons entassés, et contraints à accepter des compartiments séparés tout en devant payer le même tarif que pour la première classe. Nos familles sont souvent humiliées et insultées par les Blancs ivres qui traversent ces compartiments pour se rendre dans les compartiments fumeurs.
  6. Dans certaines régions des États-Unis, les médecins nègres se voient refuser le droit d'exercer dans des hôpitaux publics de villes où ils sont résidents. Nos enfants sont contraints de fréquenter des établissements à cycles courts et de niveau inférieur à celui des Blancs ; de plus, les fonds alloués aux écoles sont inégalement répartis entre les établissements nègres et blancs.
  7. Que l'on refuse le droit aux Nègres d'avoir les mêmes salaires que les Blancs ; ce qui leur aurait permis de subvenir aux besoins de leurs familles. De plus, dans la majeure partie, ils ne sont pas autorisés à s'affilier aux syndicats et restent toujours ainsi moins rémunérés que les Blancs.
  8. Que, dans la fonction publique et les administrations départementales, du fait de la discrimination, l'on ait le sentiment qu'être un homme noir en Europe, en Amérique et aux Antilles est synonyme d'être banni de toutes les races humaines, d'être en quelque sorte un lépreux ; peu importe le caractère et les connaissances de ce dernier.
  9. Que dans les colonies et aux Antilles, britanniques ou non, les Nègres n'aient pas le droit d'élire et d'être élus ou nommés, tout comme leurs concitoyens blancs.
  10. Que notre peuple soit contraint dans certaines régions, à des emplois moins rémunérés que la majorité des Blancs et demeurent dans des conditions répugnantes du point de vue des bonnes mœurs et coutumes.
  11. Que les nombreux dénis de justice contre notre race devant les tribunaux de nos îles et colonies respectives soient de nature à entraîner l'irrespect et le dégoût pour le sens de la justice de l'homme blanc.
  12. Aussi, face à des comportements aussi inhumains, non civilisés et non chrétiens, nous, ici présents, protestons vigoureusement et demandons leur condamnation par toute l'humanité. » (idem)

 

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19 janvier 2020 7 19 /01 /janvier /2020 07:14

AFRIQUE, UN CONTINENT AU DESTIN SINGULIER.
IMAGES ET PENSÉES,

HIER, AUJOURD’HUI ET DEMAIN  (2)

Afrique, continent aux mille paradoxes
Aux mille handicaps

Comment accumule-t-on autant de blessures anciennes et nouvelles ?

Le continent, de tous le mieux doté par la nature en ressources naturelles et en richesses humaines, est aussi le dernier depuis 60 ans !
L’Afrique est bien le continent le mieux loti en ressources naturelles.
Elle détient 9,3% des réserves mondiales de pétrole, 8,1%de celles du gaz naturel, 7,2% des réserves de charbon, 22,6% de l’uranium et le tiers des hydrocarbures, mais aussi,30% des réserves de minerais de la planète…
Cependant, l’Afrique ne représente que 1% de la production mondiale de produits industriels et n’assure que  3% du commerce mondial.
Le continent  apparait ainsi comme un géant en ressources naturelles et un nain en produits manufacturés.

 

                                      (Atlas de l’Afrique, Les Editions du Jaguar)
Niveau de vie, IDH (Indice de Développement Humain)

Le sous-développement n'est pas l'apanage des plus démunis. Des pays riches en matières premières, comme l'Angola, la RD Congo ou la Côte d'Ivoire, mais victimes de crises majeures, apparaissent dans le bas du tableau de l'IDH.

Le continent offre un aspect très hétérogène sur le plan du développement humain. Nombre d'États subsahariens accusent d'importants retards par rapport au reste du monde, tant sur le plan sanitaire qu’éducatif.

                                                                                       (Idem)

Un continent riche/sous-développé

Toutes les publications officielles, toutes les statistiques, celles de la Banque mondiale, du FMI, comme des Nations-unies, tous les IDH (Indicateurs de Développement humain) mettent en exergue ce dernier rang régulièrement occupé par les États africains.
Tous les regards et conclusions des spécialistes ou des analystes concordent sur cet aspect, mais l’explication rationnelle de ce phénomène diverge souvent quelque peu.

 

 […]

Reste que son passé en a fait trop longtemps un continent de ténèbres, par les crimes qui s'y commirent. Après la longue nuit des traites négrières qui dépeuplèrent l'Afrique pour peupler de diaspora Amériques et archipels divers, prit place la parenthèse de la colonisation, quand, à la toute fin du 19e siècle, un continent entier passa aux mains d'un autre. L'Europe ne resta pas longtemps propriétaire des terres noires, mais l'événement légua un lourd passif, qui aujourd'hui encore obère l'économie du continent, l'imagination de ses élites, et mine les sociétés du monde par son héritage raciste.

C'est aussi parce qu'aujourd'hui l'Afrique rattrape son retard démographique, tout en tardant à mettre en place une économie pérenne qui ne reposerait pas sur la dilapidation de ses ressources, qu'elle inquiète. Elle doit de toute urgence se réinventer des futurs, les décliner de manière autonome, oser les défendre. Car elle sera demain au centre de toutes les attentions. Continent qui aura le moins contribué au réchauffement climatique, elle sera celui qui en souffrira le plus.

[…]

(L. Testot, Sciences Humaines, Hors série n°8)

 

Il est d’autres handicaps qui complètent ces tableaux et statistiques des plaies du continent : la carence de l’éducation, l’insuffisance chronique de la production alimentaire, de la santé et dans bien d’autres domaines.
En effet, l'Afrique indépendante se caractérise notamment par un déficit alimentaire qui en fait la région du monde la plus touchée par la malnutrition. Seuls quinze États (sur 54) assurent à peu près convenablement leur autosuffisance alimentaire et, sur ces quinze, six sont pleinement autosuffisants. Les trente-huit autres sont, à des degrés divers, obligés de recourir tous les ans au marché mondial pour la nourriture quotidienne de leurs populations. (Le Sénégal, dont le riz constitue l'aliment de base, importe chaque année 80% de sa consommation). Là réside sans nul doute le premier obstacle au développement.
La démographie fait aussi partie de ces paradoxes africains.
L’Afrique est incontestablement le continent de la fertilité des femmes : richesse qui n’est pas sans un pendant problématique.

La démographie, autre goulot d'étranglement

« L'Afrique a atteint le milliard d'habitants au cours du premier semestre 2009, selon le Fonds des Nations unies pour la population (FNUAP). Ce même organisme prévoit pour le continent une population de deux milliards en 2050 et quatre milliards pour 2100.
Certes, même avec son milliard d'habitants, l'Afrique demeure un continent sous-peuplé (trente habitants au kilomètre carré contre cent vingt pour l'Europe). C'est le continent qui enregistre le taux de mortalité infantile le plus élevé, tout en détenant en même temps le record mondial de fécondité et de jeunesse de la population. Si un homme sur dix dans le monde était africain en 1950, en 2009, un homme sur sept est africain, et, dans quarante ans, un homme sur cinq sera africain. La population du continent aura ainsi doublé en un siècle.
Si l'unité de mesure de la puissance est désormais le milliard d'habitants, peut-on assurer aujourd'hui que le milliard africain constitue, en l'état, un salut assuré pour ce continent ? Le taux élevé de fécondité est à la fois cause et conséquence de la pauvreté. Si les enfants africains restent les plus vulnérables, les moins scolarisés, les moins formés et les moins qualifiés, si beaucoup parmi eux n'ont d'autre horizon que la rue, la mendicité et la misère, une fécondité aussi élevée se justifie-t-elle ? Le milliard d'Africains doit-il se résoudre à devenir un milliard d'analphabètes et de nécessiteux écrasés par la misère ?
Selon le professeur Jean-Robert Pitt,
il n'est de richesse que d'hommes et de femmes instruits, imaginatifs... Et selon l'adage africain, ce n'est pas la richesse qui fait l'homme, mais l'homme qui fait la richesse. Adage sensé, combien généreux et humain. Mais il faut surtout des hommes et des femmes libres et épanouis, heureux de vivre.
Il y a eu en Afrique une croissance de la production agricole de 2,6 % par an entre 1970 et 2007, mais elle a été annulée par celle de la population qui, dans la même période, s'est élevée de 2,7 %. »
 (Tidiane Diakité, 50 ans après, l’Afrique, Arléa)

Des idées, des potentialités, babyfoot en carton

« Et la jeunesse est une belle promesse de futur !

La moitié de la population africaine est âgée de moins de vingt ans. L'Afrique subsaharienne est de loin la région la plus jeune du monde. 44 % de sa population a moins de quinze ans ! Contre 30 % en Asie et en Amérique latine, et à peine 16 % en Europe.
Cette jeunesse nombreuse constitue un gisement inépuisable de potentiel, de dynamisme, de génie créatif. Les principales villes africaines regroupent en leur sein ces "petits débrouillards" de la récupération, véritables génies en puissance, qui, avec pour seuls outils leurs mains et leur cerveau, accomplissent des merveilles avec des bouts de ferraille, de chiffon, de pneu ou de bois.
Sans doute plus que partout ailleurs les femmes représentent pour l'Afrique ce capital d'avenir qui porte le futur à bout de bras. Ce potentiel de dynamisme et de souffle novateur, lié à celui d'une jeunesse, la plus disponible au monde, est encore plus prometteur que les fabuleuses richesses matérielles que recèle le continent. » 
(Idem)

L’indépendance avait-elle dans ses objectifs, de faire de la Méditerranée le plus grand cimetière de jeunes Africains, en ce début de 21e siècle ? Ou de faire de l’Afrique la dernière des régions du monde ?
En tout état de cause, tout projet de développement qui n'intègre ni le facteur démographique, ni la condition de la femme, ou encore l’éducation de la jeunesse, sera irrémédiablement voué sinon à l'échec, du moins à une inefficacité paralysante.

 

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12 janvier 2020 7 12 /01 /janvier /2020 08:35

AFRIQUE, UN CONTINENT AU DESTIN SINGULIER.
IMAGES ET PENSÉES,

HIER, AUJOURD’HUI ET DEMAIN  (1)

De la colonisation à la colonisation
Et l’indépendance ?

Un continent au destin fracassé, hier et aujourd’hui
Demain ?

La saignée douloureuse

          a - Des Temps Anciens                                

Caravane d’esclaves dans le désert saharien

 

          b - Temps Modernes                                 

                                                                       navire négrier

L’Afrique perd sa substance vive (cerveaux et bras valides) du 7e au 21e siècle par tous ses pores.

Au 21e siècle, la saignée douloureuse                         

À la merci des flots

Une jeunesse oubliée ou abandonnée à son sort, déshéritée, fuit son berceau pour un destin des plus qu’incertains.
Pourquoi partent-ils affronter sciemment, au pire la mort, sinon l’esclavages, le mépris ?.

Partent-ils de chez eux parce que leur pays, leur continent est trop riche en ressources naturelles ? cuivre, or, diamant, hydrocarbures, bois, uranium, cobalt, charbon, coltan… ?

Au contraire, étouffent-ils ?

De surcroît, l’Afrique est le seul continent dans l’Histoire, à connaître, sur une durée aussi longue, un tel destin de domination, d’assujettissement et d’exploitation.

Oubliés, proscrits, déshérités dans leur pays, les jeunes choisissent l’exil contraint.
Seuls au Monde ?

Non, ils ne sont pas seuls au monde : il existe encore des Anges, quoi qu’on dise

Des inconnus leur tendent les bras. Qui sont-ils ?                            

                                                               (Ouest France, 26/12/2019)   

Éprouvés, harassés et éloignés de leurs proches, les sauveteurs de SOS Méditerranée et de Médecins sans frontières se sont offert une courte veillée de Noël avant de reprendre la mer, dès hier matin, à bord de l’Océan Viking, pour secourir les migrants. (Ouest France, 26/12/2019)

 

Que signifient ces sourires ?
À quels dangers ont-ils échappé ?
Sont-ils plus en sûreté ici que là-bas ?

                                  

                         

                                  Sur l’Océan Viking, Noël a la saveur du devoir accompli (Ouest France, 26/12/2019)

Que seraient-ils devenus, ces damnés de la Terre, fuyant leur foyer natal, au péril de leur vie, sans ce navire, mais surtout le courage, l’humanité et le dévouement de ces héros sans nom ?
Sans SOS Méditerranée, Médecins sans frontières et cet admirable équipage, hommes et femmes, ces jeunes africains étaient voués au sort que bien d’autres avaient connu avant eux, au cours de leur aventure désespérée.
                            

                  

                                                                                                                                                 (Ouest France, 26/12/2019)

                     

                                               Sophie Beau, cofondatrice et directrice générale de SOS Méditerranée (Ouest France, 26/12/2019)

        

 

   

 

 

  (Ouest France, 30/12/2019)

Peut-on éviter cette sempiternelle et lancinante question au vu de ces spectacles devenus si récurrents, si familiers ?
Pourquoi quittent-ils (fuient-ils) ce continent si riche potentiellement, si bien doté par la nature ? Que leur manque-t-il ?

« Une dotation généreuse

La chance de l'Afrique, c'est d'être prodigieusement dotée des produits bruts les plus recherchés actuellement sur le marché mondial. Le premier d'entre eux, le pétrole, permet au continent d'occuper une des toutes premières places parmi les principaux producteurs et exportateurs, avec 11 % de la production mondiale. L'Afrique détient 9,5 % des réserves mondiales de pétrole et 8 % de celles de gaz naturel. Ce qui en fait une région géostratégique de première importance. Ce pétrole est assez équitablement réparti entre les différentes régions du continent.
La prospection et l'exploitation des hydrocarbures favorisent de nombreux investissements qui justifient la présence ainsi que les activités de nombreuses sociétés pétrolières étrangères. La prospection pétrolière et gazière connaît ainsi un mouvement de hausse continue depuis le milieu des années 1990 ; la production suit la même courbe ascendante, celle de pétrole passant de 7,4 millions de barils en 1986, à plus de 10 millions en 2006, et celle du gaz de 80 millions à 162 millions 400 000 tonnes au cours de la même période.
La multiséculaire image d'une Afrique regorgeant de richesses, d'or et de diamants est à peine surfaite. Le fait que les Chinois voient actuellement ce continent comme un nouvel eldorado, et que les Européens et les Américains tentent de conserver leurs positions acquises ou d'y reprendre pied, que les Indiens, Coréens, Brésiliens ou Japonais participent activement à cette mêlée n'apporte-t-il pas la preuve de sa richesse et des immenses potentialités qu'elle recèle ?
D’autres ressources naturelles contribuent également à faire de ce continent une région de plus en plus courtisée par les principales puissances du monde. »
 
(Tidiane Diakité, 50 ans après, l’Afrique, Arléa)

 

ET L’INDÉPENDANCE ?
Un continent majoritairement indépendant depuis les années 1960, mais toujours colonisé, pour l’essentiel.

                                                                                                                                                                                         (Atlas de l’Afrique, Les Editions du Jaguar)
                                                        Synthèse du passé et du présent de l’Afrique politique

 

  • Comment l’aider l’Afrique dans sa « volonté » ou sa « tentative » d’émerger ?
  • Qui peut et doit l’aider ?
  • Aider par la tête ?
             Ou
    Par les pieds ?

                                                                                      (Atlas de l’Afrique, Les Éditions du Jaguar)

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5 janvier 2020 7 05 /01 /janvier /2020 08:49

 

IMAGE DE LA SOCIÉTÉ FRANÇAISE SELON PAUL VALÉRY

 

Paul Valéry -1871-1945)
Écrivain, poète et philosophe (même s’il a toujours récusé ce dernier titre) français.

 

Paul Valéry, écrivain engagé (en politique et au sein d’associations de bienfaisance) fut résistant pendant l’Occupation lors de la 2e Guerre mondiale. Il fut marqué par l’occupation du pays et de la capitale, qui porta préjudice à sa carrière.
Ses essais traduisent ses inquiétudes sur la pérennité de la civilisation et sur le progrès « machiniste » et matériel en général, mais surtout sur l’avenir de l’Homme. La machine, de sophistication en sophistication, ne finira-t-elle pas par s’imposer à l’homme et bouleverser sa vie, en en faisant son esclave ?

« Il n'est pas nation plus ouverte, ni sans doute de plus mystérieuse que la française; point de nation plus aisée à observer et à croire connaître du premier coup. On s'avise par la suite qu'il n'en est point de plus difficile à prévoir dans ses mouvements, de plus capable de reprises et de retournements inattendus. Son histoire offre un tableau de situations extrêmes, une chaîne de cimes et d'abîmes plus nombreux et plus rapprochés dans le temps que toute autre histoire n'en montre. A la lueur même de tant d'orages, la réflexion peu à peu fait apparaître une idée qui exprime assez exactement ce que l'observation vient de suggérer : on dirait que ce pays soit voué par sa nature et par sa structure à réaliser dans l'espace et dans l'histoire combinés, une sorte de figure d'équilibre, douée d'une étrange stabilité, autour de laquelle les événements, les vicissitudes inévitables et inséparables de toute vie, les explosions intérieures, les séismes politiques extérieurs, les orages venus du dehors, le font osciller plus d'une fois par siècle depuis des siècles. La France s'élève, chancelle, tombe, se relève, se restreint, reprend sa grandeur, se déchire, se concentre, montrant tour à tour la fierté, la résignation, l'insouciance, l'ardeur, et se distinguant entre les nations par un caractère curieusement personnel.

Cette nation nerveuse et pleine de contrastes trouve dans ses contrastes des ressources tout imprévues. Le secret de sa prodigieuse résistance gît peut-être dans les grandes et multiples différences qu'elle combine en soi. Chez les Français, la légèreté apparente du caractère s'accompagne d'une endurance et d'une élasticité singulières. La facilité générale et l'aménité des rapports se joignent chez eux à un sentiment critique redoutable et toujours éveillé. Peut-être la France est-elle le seul pays où le ridicule ait joué un rôle historique ; il a miné, détruit quelques régimes, et il y suffit d'un mot, d'un trait heureux (et parfois trop heureux), pour ruiner dans l'esprit public, en quelques instants, des puissances et des situations considérables. On observe d'ailleurs chez les Français une certaine discipline naturelle qui le cède toujours à l'évidence de la nécessité d'une discipline. Il arrive qu'on trouve la nation brusquement unie quand on pouvait s'attendre à la trouver divisée. »

PAUL VALÉRY, Regards sur le monde actuel et autres essais, Folio essais.

 

 

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4 janvier 2020 6 04 /01 /janvier /2020 08:41

CHÈRES LECTRICES, CHERS LECTEURS DU BLOG 

BONNE ET HEUREUSE ANNÉE 2020

 

 

Je vous rappelle qu’un article paraît toutes les fins de semaine. Il permet de communiquer.

N’hésitez pas à vous exprimer dans « commenter cet article ». Votre point de vue est toujours intéressant et enrichissant.

Un rappel des superbes vœux de Jacques Brel

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15 décembre 2019 7 15 /12 /décembre /2019 08:47

ARTS, CULTURES ET CIVILISATIONS
L’ART, UNE LANGUE UNIVERSELLE, ICI ET AILLEURS

L’oralité dans nos cultures

Vincent Monteil

 

« Tout petit, j'écoutais le conte Khassonké de "Samba le lâche", que le courage de sa jeune femme oblige à surmonter sa peur. Je n'ai donc jamais pensé à mettre en doute l'existence et la valeur de la littérature orale africaine.

Et j'en doute moins que jamais, maintenant que je vis en Afrique noire, que je vais de Dakar à Lagos, ou d'Abidjan à Niamey. Partout, la pulsation sourde des tam-tams me transmet le rythme de la parole et du chant. Partout, la bouche d'ombre crée le verbe, aussi sûrement que la main sculpte le bois. Pourquoi si justement admirer l'art nègre, et négliger en même temps la voix qui sourd d'un masque d'ébène ? Pourquoi ce préjugé tenace, qui nous fait tenir pour bâtarde l'oralité ? N'y aurait-il de lettres qu'écrites ? Littéralement, bien sûr : mais pourquoi monter la garde au pied de la lettre ? Comme si tout le monde n'avait pas commencé par dire, par raconter, avant d'écrire ! Comme si notre constante — et trop souvent exclusive — référence classique, les anciens Grecs eux-mêmes, n'était pas passée par là ! Avant le IVe siècle de notre ère, les œuvres immortelles, l'"Iliade" et l'"Odyssée", ont circulé d'abord de bouche à oreille, et Homère n'était-il pas, à sa manière, comme une espèce de griot ?...

La littérature orale africaine, est vivante, parce qu'elle est orale et parce qu'elle est populaire. Elle est l'instrument et l'expression d'une culture, c'est-à-dire d'un humanisme, d'une mesure de l'homme. Elle nous apporte, à nous, hommes d'Europe, une source de vie, de fraîcheur et de rythme, d'intuition, d'accord de la terre et des hommes, une sagesse immémoriale et authentique. On parle toujours de ce que "la civilisation chrétienne occidentale" a pu donner, à l'Afrique, de techniques, de savoir et de pouvoir. Mais on oublie trop souvent que le courant n'est pas à sens unique : il y a échange perpétuel, entre le donner et le recevoir.

Il est temps, il est grand temps, de récolter, d'enregistrer, de fixer par l'écriture, de publier et de traduire les trésors de la littérature orale africaine. Il est temps que l'enseignement s'en empare,... »

Vincent Monteil, Soldat de fortune, Ed. Grasset.

Charles Vildrac

 

...sa beauté tendue au monde

La victoire vraie d'une race

Est dans sa beauté tendue au monde ;

Est dans le vouloir, la façon qu'elle a

D'aimer et d'élever sa vie ;

Dans le génie des artisans,

La patience des paysans,

L'enseignement des sages ;

Et dans l'art qui contient le sol et le ciel.

Charles Vildrac, Chants du Désespéré, Ed. Gallimard..

Dia Tidiane

 

Africain, écoute ta musique

Africain, mon frère, écoute ta musique.

Elle est la voix de tes dieux, celle de tes ancêtres, quand le soir au cours de nos veillées nos griots, après un moment de profond recueillement, jouent sur leur guitare l'air d'un Tara. Toute la brousse, en ce moment-là, frémit et se tait ; les arbres séculaires se souviennent du temps où encore des divinités innombrables veillaient sur la jeune et pure Afrique.

Africain, mon frère, écoute ta musique.

Dia Tidiane (Revue Europe)

 

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8 décembre 2019 7 08 /12 /décembre /2019 14:48

 

AFRIQUE, LA RUÉE DE NOUVEAUX ACTEURS
POUR LE MEILLEUR OU POUR LE PIRE ? (3)

Aide internationale au développement
ou

Aide à la pérennisation du sous-développement en Afrique ?

Si, pour les pays étrangers riches et développés, l’attrait des ressources naturelles semble constituer le mobile unique de la ruée vers l’Afrique en ce début de 21e siècle, que doivent logiquement attendre les populations pauvres de ce continent ?
« Le monde se presse aux portes du continent. »
(
Le Bilan du Monde, édition 2019).

Cet afflux vers l’Afrique doit-il signifier pour ses habitants, un surcroît de pauvreté ou de misère ?
Il appartient, en toute logique, aux dirigeants des pays africains d’en fixer le cap en faveur des populations et des États. Ce sont eux qui doivent fixer les règles dont le respect scrupuleux fera que cette ruée permette à chacune des parties d’en tirer la juste répartition.

De quoi l’Afrique a-t-elle besoin aujourd’hui ?
    Quelles sont les priorités en matière de bien-être des populations et de développement ?

Ces besoins devraient apparaître en toute clarté et être méthodiquement exposés lors des rencontres : des « Sommets » ou de visites de dirigeants étrangers par les responsables des États africains.
L’Afrique a-t-elle aujourd’hui besoin d’être nucléarisée, comme il fut indiqué lors du récent Sommet Russie-Afrique de Sotchi ?
Il est étonnant, à cet égard, que l’on n’ait aucune réponse claire venant des dirigeants du continent.
Ces  face à face devraient être l’occasion d’égrainer les besoins vitaux du continent africain qui sont quasiment les mêmes depuis les indépendances : santé, école, éducation, formation, infrastructures…
Qui peut, qui doit le faire en dehors des responsables africains ?
Lequel de ces pays développés, qui cherche à renforcer son développement et son niveau de richesse, a pu se hisser à ce niveau, en négligeant ces vecteurs essentiels du développement ?

L’illettrisme est une infirmité

Quel pays, en Europe, en Amérique, en Asie… a pu émerger et sortir du sous-développement en piétinant l’école, en foulant au pied l’éducation, et en ignorant la formation des jeunes et des adultes ?
C’est précisément à ce niveau que se situe aujourd’hui, la différence entre les pays développés et les pays africains en voie de développement.
Il est curieux d’entendre des responsables africains discourir à longueur d’année sur le développement, tout en ignorant les conditions indispensables qui mènent à l’émergence.
Cependant, on ne peut nier le fait que les États africains ont bénéficié, depuis leurs indépendance, d’une aide accordée par de nombreux États européens, américains et asiatique, au titre du développement.Malheureusement, cette aide internationale, bilatérale ou provenant d’organismes divers, à depuis toujours, souffert de quelques vices qui limitent singulièrement sa portée ou son efficacité réelle.Pire, l’exploitation effrénée des ressources naturelles de l’Afrique par ces mêmes puissances étrangères, amène à un autre paradoxe : ce sont les pays pauvres qui financent les pays riches !
(Voir blog,  
http://ti.diak.over-blog.com/article-afrique-aide-au-developpement-ou-au-sous-developpement-116470837.html ).

Jeunes migrants en perdition
Que de Mozart et d’Einstein qu’on assassine !

 

Pourquoi partent-ils ?

—Parce que leur pays est trop riche en ressources naturelles ?
—Parce que leur pays connaît un taux de croissance à 2 chiffres plusieurs années de suite ?

Où vont-ils ? Qui les attend ?
Sont-ils instruits, formés ? Par qui ? Comment ?

Les responsables de leur pays les voient-ils partir ?
Que font-ils pour les retenir ?
Les pays étrangers, riches et développés, qui sillonnent l’Afrique à la recherche de richesse et qui « aident l’Afrique à se développer », sont-ils informés de cette situation ? Que font-ils ? Que proposent-ils ?

Parmi ces déshérités qui fuient leur pays, des « bacheliers analphabètes » qui — si la chance leur sourit après la traversée de la mer, des dangers — pourront pour vivre un temps, ou longtemps, obtenir un emploi  d’ auxiliaire éboueur, dans une ville de France ou de Belgique.

Au-delà de l’aide matérielle que les pays développés accordent aux États africains, il est une autre forme d’aide, tout aussi précieuse pour le continent : c’est l’initiation à la « démocratie », dans la gestion des affaires du pays (la gestion saine), de même que la responsabilité individuelle et collective : l’apprentissage de la démocratie par le bas (la démocratie ne se limitant pas au seul vote).
À cette fin, les relations entre dirigeants étrangers et responsables africains, à l’extérieur comme à l’intérieur du continent, ne doivent plus apparaître comme un perpétuel « huis-clos » entre ces deux parties.
Toutes les décisions prises lors des « forums » réunissant dirigeants des pays développés et dirigeant africains, toutes les sommes octroyées pour l’aide, de même que tous les projets ou programmes de développement, doivent faire l’objet — par les soins du gouvernement — d’une large diffusion auprès de la population.
Le but étant que les citoyens  soient  informés, et sachent dans le détail, les démarches, les actions mises en œuvre pour que les objectifs soient atteints.

Si ces projets et programmes atteignent leurs objectifs, que ce soit précisé. Si, au contraire, c’est un échec, qu’ils en soient également informés et que chacun sache la raison et les conséquences éventuelles de cet échec : quelle leçon en tirer ? Quelle démarche de remédiation proposer ?

Cette façon de faire stimulera l’intérêt de la population pour la bonne gestion de la chose publique, condition de la bonne gouvernance.

Si par ailleurs l’illettrisme est une infirmité, l’Afrique est incontestablement le continent qui abrite le plus grand nombre d’infirmes au monde. En conséquence, le taux d’analphabètes est le plus élevé et celui de la scolarisation des enfants est le plus faible au monde.
Dans certains États (en Afrique de l’Ouest et Afrique sahélienne notamment), ces taux voisinent les 70% voire d’avantage.
Le taux de scolarisation fluctue entre 13 et 30% selon les États et les régions.

L’École !

Si quelques petits Africains ont, aujourd’hui, la chance de fouler la cour d’une école, c’est souvent grâce à la bienveillante sollicitude d’ONG, ou d’associations étrangères diverses. Mais ces âmes généreuses savent-elles ce qui y est enseigné et comment, ou s’en soucient-elles seulement ? Car une école, ce ne sont pas que des murs et des fenêtres, si luxueux et modernes soient-ils. L’école n’est pas non plus un lieu de dressage de petits d’humains, l’enseignement n’est pas non plus un dresseur de fauves, armé d’une chicotte ou de bâton, face à des enfants terrorisés.
L’école est au contraire le lieu de l’épanouissement individuel et collectif, celui de la formation rigoureuse et bienveillante, de la pensée libre, de l’indispensable esprit critique (sans lequel on demeure à jamais esclave de la pensée construite par d’autres, ainsi que du fatalisme).
école est enfin le lieu de la socialisation par excellence, de l’ouverture aux autres, au monde et à soi, bref, la formation d’êtres libres et pensants.
(Voir blog, article de mon blog : Afrique : principales entraves à l’émergence (7articles)).

Le développement naît du cerveau et de la volonté

En tout état de cause, l’Afrique ne sortira du sous-développement, il n’y aura émergence que par la seule volonté des Africains.

« Quand l'aide internationale mène au naufrage d'un continent.

L'épanouissement d'une société se mesure aussi à l'aune de sa santé et de son niveau d'éducation.

L'état de santé et le niveau culturel font ainsi partie des tous premiers éléments d'appréciation de l'épanouissement d'une population. Ce sont de loin les facteurs et les conditions du développement et apparaissent en tant que tels comme les axes prioritaires de l'action de tout État qui aspire à un développement véritable et à l'épanouissement de ses populations.

Depuis les années 1960, beaucoup de discours ont été entendus, beaucoup de colloques organisés sur les thèmes de la santé et de l'école en Afrique. Quel en est le bilan aujourd'hui ? Quelle incidence de l'aide internationale observe-t-on sur ces secteurs vitaux, tel qu'il est possible de l'évaluer ?

L'Afrique de l'an 2000 se porte-t-elle mieux que l'Afrique des années 1960 ? ». (Tidiane Diakité, L’Afrique et l’Aide ou comment s’en sortir ?, L’Harmattan, 2002).

Pour les bonnes volontés et les âmes charitables de l’extérieur (il y en a), qui se penchent généreusement au chevet du Grand malade africain, il est indispensable d’acquérir un minimum de « science », ou de connaissance des besoins et des réalités intimes de ceux qu’on veut aider dans leur marche vers l’émergence, ceux qu’on veut aider à parvenir au stade de l’autonomie dans les domaines vitaux de l’existence, afin qu’ils parviennent à la maîtrise de leur destin.

« Comment aider ?

Ceux qui ont l'épiderme sensible dès qu'on évoque les carences de l'Afrique et qui rendent l'Occident responsable de tous les malheurs de ce continent lui rendraient un insigne service en réagissant face à la saignée financière qu'il subit, à son pillage systématique et continu, ainsi qu'à la spoliation des peuples par les Africains eux-mêmes comme par les étrangers. L'Afrique n'est pas pauvre, on l'appauvrit.
Il n'est nullement question d'absoudre les pays étrangers qui organisent le pillage de l'Afrique ou y participent. Mais crier unilatéralement et continuellement haro sur ces derniers masque les responsabilités internes et retarde d'autant la recherche des moyens de juguler l'hémorragie. L'enjeu essentiel, c'est investir en Afrique l'argent produit en Afrique, valoriser les richesses qui y sont également produites, afin d'assurer les conditions du développement.
Il est une pratique peu abordée, s'agissant de l'aide au développement, et dont l'examen permettrait cependant de constater que les ressources financières de l'Afrique aident plutôt paradoxalement à la prospérité économique des pays développés. Il s'agit des sommes colossales, massivement investies en Europe et aux États-Unis par des Africains, chefs d’État, responsables politiques de tous rangs ou personnalités privées — sommes acquises honnêtement ou non. »
(Tidiane Diakité, 50 ans après l’Afrique, Arléa, 2011).

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1 décembre 2019 7 01 /12 /décembre /2019 08:51

 

AFRIQUE, LA RUÉE DE NOUVEAUX ACTEURS
POUR LE MEILLEUR OU POUR LE PIRE ? (2)

Afrique, la nouvelle donne
La nouvelle ruée vers le continent
Pourquoi l’Afrique ?

Qui vient ? Pourquoi ?

Revue de troupe

Situation irréaliste, impensable il y a seulement deux ou trois décennies : des nations qui semblaient ignorer le chemin du continent africain, tant cette région était fermée aux vues étrangères, barricadée derrière des murs dressés depuis le milieu du 19e siècle, tenue de main de maître par ses occupants, conquérants colonisateurs et dominateurs qui y régnaient comme sur une chasse gardée, fermée à toutes les autres nations du monde.

L’Afrique aux quatre vents

La Chine est pionnière sur le continent depuis les années 1980, non comme touriste en quête d’exotisme facile, mais en quête de relations fructueuses pour sa nation, et surtout pour se muer en partenaire qui voit loin, au-delà du continent africain, lequel apparaît alors comme un tremplin pour la conquête des plus hauts sommets du monde.

Les Chinois sur le terrain
    Savoir et savoir-faire
    Une maestria insoupçonnée

D’emblée, dès le début des années 2000, la Chine apparaît comme une voix autorisée en Afrique. À force de finesse diplomatique et psychologique, elle s’est glissée dans les lieux de pouvoir, amenant les responsables africains à lui dérouler, partout, le tapis rouge.
Elle ne mit pas longtemps à « consoler » ces derniers du départ (de l’abandon ?) de leurs partenaires français et britanniques.
De fait, rapidement, les Chinois sont arrivés et ont rempli le vide laissé par les premiers occupants européens, avançant méthodiquement, mais résolument, essaimant sur le continent dans ses moindres interstices, de l’est à l’ouest, du nord au sud, sans coup férir.

(Photo de Paolo Woods dans Serge Michel et Michel Beuret, La Chinafrique)

La Chine sur le toit de l’Afrique

La Chine est sans aucun doute la première puissance étrangère à pourvoir une diplomatie qui amène les responsables africains à lui manifester autant de sympathie en lui accordant autant de facilité d’action, au point d’amener des observateurs hier, mais aussi aujourd’hui, à affirmer que « la Chine a enterré la Françafrique ».

 

(Photo de Paolo Woods dans Serge Michel et Michel Beuret, La Chinafrique)

Tout un symbole !
Heureux comme un Chinois en Afrique

 

Le président du Nigéria, Olusegun Obasanjo s’adressant au président chinois Hu Jintao, à Lagos en avril 2006 : « Nous souhaiterions que la Chine dirige le monde ! Et quand ce sera le cas, nous voulons être juste derrière vous. Quand vous allez sur la Lune, nous ne voulons pas être laissés derrière, nous voulons être avec vous. »

Faut-il perpétuellement un Tuteur à l’Afrique ?
    À quand l’indépendance ?

Si des nations d’Asie, mais aussi d’autres régions, suivent la voie tracée par la Chine, chacune d’elles a ses motivations, plus ou moins avouées, mais toujours intéressées.
Le Japon a ainsi des visées sur le continent africain en rapport avec le présent et le futur.

Un nouveau sur le continent mais avec des ambitions avouées

Le nouveau directeur des Affaires africaines au Ministère japonais des Affaires étrangères, Katsu Mi Hirono, annonce d’emblée :
« À l’heure où le marché japonais se rétrécit, l’implantation sur le continent est une question de vie ou de mort pour les firmes japonaises. Il reste encore à définir jusqu’à quel point l’État peut les accompagner. Il faudrait aussi que les entreprises changent en partie leur modèle et deviennent globales au sens propre du terme. Pour cela, il est nécessaire qu’elles emploient des étrangers pour s’appuyer sur leurs expertises. Dans les entreprises japonaises, un changement de culture s’impose, sans quoi elles ne pourront pas survivre. »
Pour lui « Une collaboration avec la Chine n’est pas exclue, mais certaines conditions doivent d’abord être réunies. »
(J.A. n° n°3056)

 

La Turquie, elle non plus n’est guère insensible au continent africain. C’est donc chargée d’ambitions et de raison qu’elle prend place parmi les nations de la ruée.
La presse a fait un large écho de la tournée africaine du président Erdogan :
« une tournée africaine particulièrement chargée, en visitant pas moins de quatre pays : l’Algérie, le Sénégal, la Mauritanie et le Mali. De quoi placer un peu plus les pions turcs en Afrique, continent sur lequel le pays est déjà bien présent. » (JA)

 

La Suisse n’est pas en reste. Petit pays par la superficie, mais grandes ambitions économiques et géopolitiques, elle joue crânement sa partition en Afrique, comme les autres.

« En Suisse, comme dans de nombreux autres pays développés, le secteur privé suit de très près la situation économique de l'Afrique. "Il y a de très bonnes occasions à saisir sur le continent", commente un banquier genevois. En particulier pour des entreprises helvétiques, qui, en dehors des négociants en matières premières et des banquiers d'affaires, continuent dans leur très grande majorité de découvrir le continent et son immense potentiel. Signe de cet intérêt grandissant ces quinze dernières années, la valeur des investissements directs étrangers (IDE) helvétiques a triplé sur le continent depuis 2000, même s'ils ne représentent toujours que 1,2 % des IDE suisses à travers le monde.
[…]
Non seulement le secteur privé suisse multiplie les partenaires, mais aussi diversifie ses opérations. Longtemps concentré sur le primaire et le secondaire, il s'intéresse de plus en plus au tertiaire, les services en tout genre représentant plus d'un tiers des revenus générés par les exportations suisses en Afrique l'année dernière. Le tourisme et les différentes activités de transport et logistique connaissent les courbes de croissance les plus significatives, même si le domaine financier dans son ensemble pèse encore plus de 30 %. »
. 
(Jeune Afrique, n°3065)

 

Le grand et lointain Canada affiche sa présence et ses ambitions en Afrique

« C’est dans son sous-sol que les plus importantes découvertes de nouveaux gisements aurifères ont été réalisées ces dix dernières années. Plus de 79 millions d'onces ont en effet été mises au jour en Afrique de l'Ouest, et 5 milliards de dollars investis sur la même période, soit 10 % du total mondial des investissements dans l'exploration. Et pourtant, l'exploitation minière dans la région ne fait que commencer.

Une attractivité qui séduit particulièrement les compagnies minières canadiennes, comme Endeavour, Teranga Gold, B2Gold ou encore Iamgold. Tablant sur un coût de production de l'once tournant autour de 800 dollars, Endeavour souhaite porter la durée de vie de ses mines à environ dix ans. Mais celle-ci devrait même se prolonger au-delà : le groupe, qui a déjà découvert 5 millions d'onces ces cinq dernières années, vise en effet 10 à 15 millions d'onces dans les cinq prochaines.

 

Pour doper ses réserves, la compagnie minière entend investir quelque 45 millions de dollars dans l'exploration. "Nous allons poursuivre nos efforts dans ce domaine. Nous croyons dans le potentiel de la zone géologique du plateau birimien ouest-africain, souligne son PDG, Sébastien de Montessus. L'Afrique de l'Ouest se situe au troisième rang des régions les plus riches en ressources aurifères, derrière l'Australie et le Canada. Pourtant, des pays importants sont encore sous-explorés. Le Burkina Faso ou la Côte d'Ivoire concentrent seulement 35 % des découvertes dans la région, alors qu'ils représentent 60 % de la zone "birimienne".

En mars, Endeavour va franchir une nouvelle étape dans le déploiement de sa stratégie et consolider davantage son assise africaine avec l'entrée en production de la mine d'Ity, en Côte d'Ivoire. Il a investi 412 millions de dollars dans ce gisement, dont les réserves sont estimées à 2,9 millions d'onces.
Le groupe canadien réalise également de nouvelles acquisitions afin de devenir le premier producteur d'or du continent. »
(JA n°3030)

La liste de ces nations intéressées par l’Afrique d’aujourd’hui est longue, : de la Chine à la Russie, de la Turquie à Israël, du Canada à l’Inde…

En conclusion quelques observations sommaires

Toutes ces nations qui affluent vers le continent africain sont attirées par les richesses naturelles qu’elles exploitent ou mettent en valeur (du moins partiellement).

Pourquoi les pays africains eux-mêmes ne se chargeraient-ils pas de l’exploitation de leurs ressources et de leur mise en valeur, ce qui leur permettrait de se suffire à eux-mêmes en évitant de recourir à l’étranger pour leur développement ?
Cela étant, il ne saurait être question d’interdire aux pays étrangers de « 
venir faire des affaires en Afrique » ; les Africains en seraient les premières victimes en cette ère de mondialisation, qu’on souhaiterait cependant promotrice de paix et de concorde universelles.

Ces nations en arrivant sur le continent, affichent clairement leur intention : exploiter les ressources naturelles.
Pourquoi les dirigeants africains ne disent-ils pas clairement ce qu’ils attendent de leur présence et de leurs activités ? Quelles retombées pour les populations, le développement du pays ? Bref, faire que ce partenariat soit effectivement « gagnants-gagnant » et non « gagnants-perdant ».
Pourquoi aucun dirigeant de pays africain ne décide-t-il  de sommets Afrique… ?

 

 

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24 novembre 2019 7 24 /11 /novembre /2019 09:22

AFRIQUE, LA RUÉE DE NOUVEAUX ACTEURS
POUR LE MEILLEUR OU POUR LE PIRE ? (1)

Qui vient ? Et pourquoi ?

Russafrique
(Jeune Afrique, n°3057 du 11 au 24 août 2019)

Le sommet Russie-Afrique, un symbole chargé de sens

Image ci-dessus insolite :
Les Russes viennent chasser sur les terres naguère chasse gardée des Occidentaux, principalement Britanniques et Français, qui semblent avoir déserté, de gré ou de force, ce qui fut hier, leurs plates-bandes consacrées, aujourd’hui piétinées par de nouveaux arrivants qui masquent à peine leur intérêt pour ce continent.
Mais, avant le Sommet Russie-Afrique organisé à Sotchi, en Russie, il y en eut d’autres. Ainsi le Sommet Japon-Afrique, qui a suivi le Sommet Turquie-Afrique, lequel fut précédé par les sommets Israël-Afrique, Inde-Afrique, de même que le Sommet Brésil-Afrique du temps du Président Lula.

Que viennent chercher les Russes en Afrique en ce début de 20e siècle ?

« La Russie a une image positive en Afrique. Elle est en concurrence avec les Occidentaux pour la crédibilité de ses informations.

[…]

Il semble que les informations estampillées "Russie" rencontrent un vif succès. Commentaire du chercheur français : "La Russie jouit sur le continent d'une image positive [qui la] place en concurrence avec les pays occidentaux, en particulier l'ancienne puissance coloniale française, pour la crédibilité et la popularité des informations qu'elle produit." »  Jeune Afrique, n°3057 du 11 au 24 août 2019)

Par ailleurs, et surtout

« En Russie les ressources du sous-sol ne sont pas inépuisables. Or l’Afrique regorge d’hydrocarbures et métaux… » (Idem)

Chine-Afrique
(
Jeune Afrique, n°3055 du 28 juillet au 3 août 2019)

La Chine en Afrique
     Gagnant-gagnant ?

La Chine est pionnière dans l’ouverture à l’Afrique et l’intérêt pour ce continent où elle a fait une entrée fracassante à la fin des années 1980 et où elle semble solidement installée désormais.
Après avoir pris la place des premiers occupants : Français et Britanniques, elle se heurte désormais aux nouveaux arrivants parmi lesquels les États-Unis, comme rapporté par « 
Le Bilan du Monde, Le Monde, hors série, édition 2019 » sous le titre :

« Le Monde se presse aux portes du continent

Certains dirigeants africains commencent à savoir tirer profit de la multiplication des acteurs qui se disputent le contrôle des routes commerciales et des ressources naturelles d'une région carrefour.

Le sourire éclatant du nouveau premier ministre éthiopien, Abiy Ahmed : voilà le visage symbolique du changement intervenu en Afrique en 2018. A peine élu à la tête du deuxième pays le plus peuplé du continent (qui devrait compter près de 200 millions d'habitants en 2050), l'ex-militaire a opéré une "révolution", selon Kjetil Tronvoll, spécialiste de la région à l'université Bjorknes d'Oslo. Une révolution destinée à faire la paix avec ses voisins, restaurer l'Ethiopie dans son rôle de puissance régionale, mais aussi articuler le décollage de l'économie nationale avec un décollage de toute la partie orientale du continent. »

[…]

« La planète se presse aux portes de l'Afrique, de ses chefs d'Etat, de ses mines et de ses ports. A l'échelle du continent, cette "ruée" s'est faite plus rude. 2018 a aussi été l'année où la Russie a entamé une montée en puissance de son influence sur le continent, ancrée au Soudan, puis en Centrafrique, et avec des visées sur d'autres pays, notamment l'Angola. Cette intensification de la compétition s'étend à l'ensemble du continent, même dans sa partie la plus en retrait de ces transformations, en Afrique centrale. »

Une compétition qui en rappelle d’autres où les nations, engagées dans une compétition sans merci en Afrique ou ailleurs, faisaient courir de grands risques à la paix du monde.

Ainsi, selon la même publication :

« L'Afrique est aussi un terrain de compétition militaire. Les Etats-Unis, comme l'a révélé une enquête du magazine d'investigation américain en ligne Intercept, disposent désormais de 34 sites d'implantation sur le continent, parfois de simples locaux hébergés dans des bases locales. »

(Jeune Afrique, n°3055 du 28 juillet au 3 août 2019)

Si toutes ces puissances affichent leur volonté de profiter des ressources du continent africain, tout en promettant une coopération où chaque partie sera gagnante, peu ou prou, on ne peut s’empêcher de penser à ceux qui sont conviés à ces Sommets : les dirigeants africains, mais surtout de savoir ce que ces rencontres internationales apportent à un continent qui offre ce paradoxe connu de tout temps : « le paradoxe africain ».

Sur le sous-sol le plus outrageusement doté par la nature, vivent des hommes et des femmes parmi les plus pauvres de la planète.

Les nations initiatrices et organisatrices de ces Sommets le savent-elles ? Que proposent-elles pour tirer ces pays d’Afrique du sous-développement en accompagnant leur marche vers le bien-être par l’exploitation et l’utilisation de ces ressources aux fins d’un développement endogène ?

Ce « paradoxe africain » caractéristique de nombre d’États de ce continent est illustré comme suit dans L’Afrique en 2019, Jeune Afrique n°3024H du 23 décembre au 12 janvier 2019 :

« Alors que son sous-sol, le plus riche d’Afrique, était pillé, l’oligarchie congolaise s’enrichissait scandaleusement. Et laissait la population –près de 100 millions de personnes – dans la misère, et le pays sans infrastructures.
Résultat : les citoyens de la riche RDC ont un revenu par habitant parmi les plus faibles du monde. »

Si tant de pays étrangers accourent en ce début de 21e siècle, poussés par leurs intérêts et par les ressources naturelles du contient africain, voient-ils, constatent-ils ce paradoxe africain ? Quel remède proposent-ils ?

(Annick Le Douget, Juges, Esclaves et Négriers en Basse-Bretagne, 1750-1850. L’émergence de la conscience abolitionniste.)

Quel gain, quel dividende pour l’Afrique et ses populations ?

Afin de sortir du trou dans lequel l’histoire les a précipités depuis le 16e siècle, il incombe aux Africains d’aujourd’hui de rechercher les moyen de valoriser les fabuleuses richesses matérielles dont la nature a doté ce continent.

Pour ce faire, il faut sans doute réfléchir pour agir et réagir ; sans doute danser un peu moins et penser un peu plus.

L’Afrique est coutumière de ces ruées vers ses richesses. En effet, elle connut en particulier deux ruées qui ont changé à jamais le cours de son histoire : la première, du 16e au 17e siècle, où des puissances étrangères venaient arracher à leur sol natal des hommes et des femmes, dans la force de l’âge, pour la mise en valeur des plantations du Nouveau Monde. Cette première ruée (la mondialisation avant l’heure) aboutit au « partage » de l’Afrique, à l’initiative du chancelier allemand Bismarck, en 1885.

La seconde ruée fut l’œuvre de l’Europe en quête de terres nouvelles et de débouchés commerciaux : ce fut la colonisation, la domination et l’exploitation de l’Afrique jusqu’au milieu du 20e siècle.

NB : détail non dénué de sens : alors que le fameux partage de l’Afrique de 1885 était décidé et organisé par les seules puissances européennes de l’époque, parmi les nations organisatrices des sommets autour de l’Afrique, en ce début de 21e siècle, figurent des nations asiatiques.

(L’Histoire, numéro spécial 302S)

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