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14 avril 2024 7 14 /04 /avril /2024 09:53

Sophie Taeuber-Arp
Deux cercles, deux plans et lignes croisées

 

****

LA VISION DE L’ART DE GOTTFRIED HONEGGER

DANS SA LETTRE À SOPHIE TAEUBER

Sophie Taeuber-Arp sur le billet suisse de 50 francs.

*

Dans cette lettre Honegger aborde plusieurs aspects de l’art, l’art et l’argent, l’art dans le temps, l’art créé par des femmes, le combat des artistes…

 

***

 

« Très chère,

Hier à Zurich, on m'a rendu dans un magasin un billet sur lequel, chère madame, était gravé votre portrait... j'aimerais savoir par curiosité : vous a-t-on demandé votre permission ? Personnellement je trouve ce pseudo-hommage sur un billet suisse plus que discutable. D'autant que, jusqu'à présent, on n'a pas été tellement tendre avec vous dans ce pays. On vous a supprimé votre poste de professeur à l'École des arts décoratifs de Zurich, parce que vous étiez membre du Cabaret Voltaire. Ne l'oublions pas, dada était mal vu dans notre ville. Et voilà qu'on vous utilise pour faire honneur à la Suisse.

J'ai demandé à la vendeuse si elle savait qui était Ia dame sur le billet. La réponse fut : « Non, pas Ia moindre idée ». Elle ne connaissait pas non plus les autres « honorés » : Le Corbusier, Arthur Honegger, Alberto Giacometti — pour elle, tous des inconnus. Je trouve que la banque nationale devrait au moins fournir un minimum d'explication. Vraiment — notre culture de l'argent ne connaît plus de bornes. Aujourd'hui l'art est tout juste bon à servir de feuille de vigne à notre société de divertissement. L'art comme public relations. D'autant que vous ne réussissez à vendre que peu ou aucune de vos œuvres en Suisse. C'est Paris, Ia France qui vous a accueillie, tout comme Le Corbusier, Honegger, Giacometti qui tous y ont vécu et travaillé. C'est l'étranger qui vous a fait crédit, a reconnu l’importance de votre œuvre. À propos de reconnaissance : lorsque votre mari, Jean Arp, a voulu devenir citoyen dans notre Suisse, à Wegis au lac des Quatre-Cantons, sa demande a été rejetée. Les artistes deviennent trop souvent des assistés — une charge pour la commune.

De tels incidents et la situation pas brillante de l’art en général ont conduit mon ami Herbert Read, un incorruptible, à faire dans une lettre ce pénible constat : « Les artistes mènent un combat perdu d'avance dans notre civilisation technique et je ne vois pour eux aucun espoir. Le poète est devenu un anachronisme. Même un clown a plus de valeur que lui : il amuse ».

C'est ainsi et pourtant nous devons continuer à travailler, continuer à espérer, continuer à rêver. Qui sait, chère Madame, peut-être cette résistance publique nous rendra plus forts, nous endurcira. Parce que telle est la situation aujourd'hui, le courage d'éclairer, d'agir reste notre mission.

Notre société ne se sent bien que dans le passé. Là où ne se pose plus aucune question, où il n’y a plus d'inconnu. Le passé est comme une paire de lunettes de soleil qui rendrait supportable le présent aveuglant. Cette fuite hors de notre époque est pour moi un signe alarmant de résignation. On ne croit pas aux valeurs du présent.

Tiré d'un livre de Karl Gerstner, Les artistes et la majorité : « Finalement ça ne nous aide pas d'exorciser le passé. Nous n'avons plus besoin de Saint-Pierre de Rome... Il devrait être possible en esprit et avec les matériaux actuels d'atteindre au moins un niveau comparable à celui du passé et à l'héritage, et d'instaurer pour le présent : la culture avec des aspects entièrement démocratiques ».

C'est justement ce point de vue que personne ne veut aujourd'hui admettre. Or cette vérité est pourtant le sens profond de tout art.

Vous êtes en outre marginalisée parce que vous êtes une femme. À l'art des femmes colle toujours le soupçon d'« ouvrage de dame ». Ce qui a pour conséquence que les artistes femmes veulent trop souvent se donner des allures masculines. Mais laissons cela. Vos tableaux n’ont rien à voir avec cette question. Ils sont simplement là, l’art dans sa forme la plus pure. J’ai vu hier, ici, à Paris quelques-uns de vos travaux. J'ai été étonné de votre façon souveraine de donner à l'art concret une impulsion nouvelle et surprenante. En partant de l’angle droit, vous ouvrez la voie à un monde de liberté, un monde riche de possibilités d’expression insoupçonnées.

Amicalement. »

 

Sophie Taeuber-Arp (1889-1943)

 

--> Qui était Sophie Taeuber ?

Brève biographie

Sophie Taeuber (Sophie Henriette Gertrude) est une artiste, peintre, sculptrice et danseuse suisse, naturalisée française. Elle est née en 1889 à Davos (Suisse) et morte en 1943 à Zurich.

De père allemand et de mère suisse allemande, Sophie grandit dans un milieu où l’art est présent dans la vie de tous les jours.

À Saint-Gall, elle apprend le dessin décoratif et les techniques de la broderie et de la dentelle, puis étudie dans les « ateliers expérimentaux » de Hermann Obrist et de Wilhem von Debschitz, à Munich, où elle se forme à toutes les disciplines artistiques, y compris au travail sur bois et à l’architecture. En 1912-1913, elle apprend également le tissage à l’École des arts décoratifs de Hambourg. (Archives of women artists research).

Elle découvre la danse d’expression grâce à son amie Mary Wigman.

En 1915 elle s’installe à Zurich et rencontre Jean Arp, qu’elle épouse en 1922, et sera désormais connue sous le nom de Sophie Taeuber-Arp. Elle participe avec lui au mouvement dada.

Sophie Taeuber dit du mouvement dada : « Le mouvement dada est compliqué à expliquer, c’est même presque son but ! Il se compose de pièces de théâtre bruyantes, de lectures de poèmes qui n’ont aucun sens… De manière plus générale, dada est un mouvement mené par des artistes contre la bourgeoisie. Ces artistes protestent contre la culture de la société qui a, selon eux, mené à l’effroyable première guerre mondiale. »

1925 : Sa participation à l’Exposition internationale des arts décoratifs et industriels modernes la conduit à Paris, où le couple, qui obtiendra la nationalité française l’année suivante, côtoie les surréalistes. Leur maison-atelier devient, de 1929 à 1939, un foyer de rencontres artistiques internationales.

Grâce à son talent de danseuse, elle va danser au Cabaret Voltaire de façon anonyme car en même temps elle enseigne à l’École des arts appliqués de Zurich (1916-1929).

Pendant cette période elle réaliste une série de Têtes Dada qui font partie de ses œuvres les plus célèbres.

1927-1928, le couple s’installe à Clamart. Leur maison-atelier devient un foyer de rencontre artistiques internationales, de 1929 à 1939.

Elle rejoint les associations Cercle et Carré et Abstraction Création.

(1937-1939), S. Taeuber édite la revue multilingue Plastique jusqu’à la veille de la guerre. Elle est très concernée par la politique et essaie de renouer les liens entre les artistes dispersés.

Son mari et elle s’installent à Grasse, lors de l’exode ; là, ils réalisent des dessins à quatre mains avec Alberto Magnelli et Sonia Delaunay, dessins qui manifestent leur opposition au fascisme.

Le couple projette de s’installer au États-Unis, mais c’est un échec. Ils se réfugient alors en Suisse (novembre 1942).

1943, Sophie Taeuber meurt en 1943 peut-être « intoxiquée par le monoxyde de carbone émis par un poêle à gaz défectueux. » (Wikipédia) ou selon Gabriele Mahn « Sa mort reste une énigme »

Sophie Taeuber-Arp
Quatre espaces à croix brisée (1932)

Brève biographie de Gottfried Honegger : voir articles du blog :

  • La vision de l’art de Gottfried Honegger dans sa lettre à Jean Arp (13-10-2021)
  • La vision de l’art de Gottfried Honegger dans sa lettre à Léonard de Vinci (20-04-2022)
  • La vision de l’art de Gottfried Honegger dans sa lettre à Sonia Delaunay (19-03-2023)

Gottfried Honegger (1917-2016)

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30 mars 2024 6 30 /03 /mars /2024 08:32

LA VIE EN VERS

Un très beau poème de Sandrine Mage, poétesse contemporaine, sur l’éphémère de la vie.

(http://stereen.over-blog.com/2022/04/le-temps-qui-passe.html)

 

Et puis, plus rien...

Il y avait ce fruit juteux sur l’arbre de la vie

Que j’ai croqué un soir d’été, d’un élan rassuré ;

Il avait la peau douce et le cœur plein d’envies

Et le goût passionnel des caresses effleurées.

 

Il y avait cette fleur dans le nid de l’amour

Qui s’est envolée en lâchant ses pétales,

Libre, dans le souffle d’un nouveau jour,

Sereine, sur un chemin inspirant le graal.

 

Il y avait ces douleurs qui resteraient à quai

Quels que soient les efforts, les gestes, les pardons,

Les combats dans le vent que les nuits ont pleurés,

Les forces bâillonnées dans un cri d’abandon.

 

Il y avait toutes ces couleurs habillées d’éphémère,

Qu’on aurait voulu protéger dans un écrin ;

Il y avait tous ces rêves qui cherchaient la lumière,

Suspendus à l’horloge du temps, et puis... plus rien...

                                              (Sandrine Mage, Texte primé au concours de poésie, Commune de Beynat 19 Juin 2022- Thème « L’Ephémère »)

 

 

¤ Qui est Sandrine Mage ?

SANDRINE MAGE est originaire du Ségala côté Paternel et de Rocamadour, côté maternel; elle habite à Loubressac. Autrice contemporaine, elle aime les mots et écrit surtout de la poésie.

Poétesse, écrivaine, elle est aussi animatrice culturelle, créatrice de spectacles, conteuse, aussi bien pour les enfants que pour les adultes, notamment dans les EHPAD.

Elle n’a de cesse de découvrir de nouveaux  "territoires"  littéraires.

Elle vient de sortir mon 3è recueil de poésies "Brûlants Souvenirs" qu’on peut découvrir sur son blog :  http://sandrineartiste.centerblog.net/

Ce 3e recueil réunit quelques textes de ses deux précédents recueils qu’elle ne peut plus éditer et une quarantaine de poèmes inédits. Sandrine Mage dit à propos de ce recueil :

« Mes lecteurs me réclamaient quelques vers poétiques et mes précédents recueils étant épuisés, j’ai concocté cet ouvrage en attendant le prochain projet qui se voudra plus original. »

Pendant 8 ans et jusqu'en 2023 elle a été présidente de la Délégation Lotoise de la Défense de la Langue Française.

Maintenant elle a créé sa propre Compagnie : La plume de Sand, avec laquelle elle propose différents spectacles (Poétiques et musicaux, des spectacles de Noël...) et animations notamment en Ehpad.  (http://laplumedesand.fr/)

 

***

Ses ouvrages:

- Les mots pour le dire, 2006- Poésies
- Contes de Noël, 2010- Contes illustrés pour la jeunesse
- Les maux du poète, 2012- Poésies
- Un coquelicot sur un oreiller, 2018- Roman
- Entre Douceur et Tendresse- 2021Contes illustrés pour la jeunesse 
- Brûlants Souvenirs, mars 2024- Poésies

 

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4 février 2024 7 04 /02 /février /2024 11:40

Fontaine (1917) de Marcel Duchamp

***

LA VISION DE L’ART DE GOTTFRIED HONEGGER

DANS SA LETTRE À MARCEL DUCHAMP

 

 

Dans cette lettre, Gottfried Honegger s’en prend violemment à l’art dévoyé. Aujourd’hui, d’après lui, tout n’est plus que jeu, tout est permis, tout est à vendre, à acheter. Notre société est devenue consumériste. L’individualisme et le culte du moi priment. On le voit avec les réseaux sociaux où les personnes se montrent et se « remontrent » sur tous les angles.

Honegger attend mieux de l’art.

 

 

« Très cher,

Dans une de vos lettres vous évoquiez Ludwig Wittgenstein. Comme vous l'avez constaté à juste titre, il a remis en question de la manière la plus radicale non seulement l'art, mais aussi tous les problèmes philosophiques. Il ne demande pas « Qu'est-ce que l'art », sa pensée tourne autour de la théorie du jeu. La langue comme un jeu, obéissant comme tous les jeux à des règles.

Les questions que je vous pose ne portent pas sur ce qui est radical. Ce qui m'intéresse c'est votre influence, l'influence de votre œuvre sur les jeunes artistes d'aujourd'hui. Ce qui était pour vous un manifeste, disons un refus de l'art officiel, est devenu l'art officiel. Ce qui était chez vous encore hésitant, ce qui était question, est devenu réponse. Finie la remise en cause de l'art, désormais tout est permis. Votre art a-t-il ouvert toutes les écluses ? Les pionniers, leurs points de vue et leurs théories sont aujourd'hui largement oubliés, dépassés, exposés dans les musées, cimetières pour tourisme de masse.

À Cassel, à Venise, partout domine une effervescence multicolore. Sans honte, sans règles, la pacotille mercantile est ennoblie, donnée pour de l'art. Le ready-made est in. Votre œuvre exerce sur les jeunes une étonnante fascination. Chez vous, cher Marcel Duchamp, l'habituel devient inhabituel, les rapports familiers avec la réalité sont arbitrairement inversés. Chez vous, cela paraît si naturel que cela semble aller de soi et que ça influence notre façon de voir.

J'insiste — je ne vois dans le cirque ready-made, aujourd'hui dominant, qu'une culture de divertissement. Le divertissement domine largement le « jeune art ». Même l'architecture, le design, la mode ont trop souvent peur de la forme. Bilbao est un succès public parce que le musée de Frank Gery est spectaculaire. Disneyland à l'extérieur, cimetière à l'intérieur, écrit le magazine Der Spiegel. Que la fonction détermine la forme extérieure, c'est aujourd'hui oublié.

 

Certes, vous n'avez pas prévu cette vulgarisation de l'art. Certes les dadaïstes, parce que mal compris, ont participé au relâchement de notre culture. Pour moi le présent a trop pollué, trop consommé, trop transformé en produits de consommation. On vole et on falsifie, on pratique le culte de l'art-marchandise, qui correspond tout à fait à notre société consumériste. Si l'art est miroir, témoin de son temps, pourquoi les gardiens de la culture ne le disent-ils pas haut et fort ? Si l'art contemporain était le reflet du libre marché, de la globalisation, l'art d'aujourd'hui aurait une signification politique. Malheureusement cela arrive trop rarement. A la biennale de Venise, de mon point de vue, le kitsch artistique officiel est élevé au mythique. Les textes pratiquent le culte du moi. L'individualisme, la trace de la personnalité originelle, connaît un succès mondial. A une époque où, chaque jour, des centaines de milliers d'hommes meurent de faim, à une époque où l'économie de monopole supprime toutes les garanties humaines et où les États en sont réduits au football, l'art se doit de prendre position. Il ne doit jamais et en aucun cas être un « amusement ». L'art est arme ou vision. L'art est politique, histoire d'une époque.

Ma question est : quelle est votre attitude vis-à-vis de l'informe, de l'infantilisme régnant ?

 

Est-il faux de penser que l'art actuel devrait être avant tout forme et système, que l'art devrait contribuer à un avenir plus humain, un avenir social ? Suis-je naïf, un vieil aveugle hors du coup quand je remets en question les foires d'art contemporain, les ventes aux enchères, le commerce de l'art tout entier ?

Nous le savons : « La laideur nous rend malades ». Un environnement détruit et dominé par la spéculation, associé à la folie de la consommation, est le terreau où se développent le vandalisme, la criminalité et la corruption. Une aliénation autiste se répand. Je lis : « Le dialogue des cultures et des religions doit prévaloir sur les alliances politiques et les coopérations économiques. Des analystes perspicaces, de Georges Dumézil et Claude Lévi-Strauss à l'économiste Amartya Sen, l'ont déjà pronostiqué comme un devoir de pacification. Certes ce dialogue est aujourd'hui plus compromis que jamais ».

 

Tatlin et vous, cher Marcel Duchamp, avez élaboré des concepts esthétiques qui — aussi opposés qu'ils soient — non seulement ne respectaient pas la relation existante entre création artistique et théorie de l'art mais la remplaçaient par leurs propres interrogations liées à l'époque.

Vous devez savoir que ce qui m'importe n'est pas le jugement de valeur mais la volonté de comprendre.

Dans l'attente de votre réponse. »

Marcel Duchamp (1887-1968)

 

***

(Henri, Robert) Marcel Duchamp est né en 1887 à Blainville-Crevon et mort en 1968 à Neuilly-sur-Seine. C’est un peintre, plasticien et homme de lettres français.

Son père, Justin Isidore Duchamp était notaire à Blainville et sa mère, Marie Caroline Lucie née Nicolle, était une musicienne accomplie.

Marcel est le petit-fils d’Emile Frédéric Nicolle, courtier maritime et artiste qui enseigna l’art à ses petits-enfants. Dans cette famille de 7 enfants il y avait plusieurs artistes : Raymond Duchamp-Villon : sculpteur, Jacques Villon et Suzanne Duchamp : peintres

 

Le premier tableau de Marcel Duchamp, Madeleine au piano, est exécuté alors qu’il est en 4e au collège.

Il poursuit de brillantes études au lycée de Rouen.

1904 : avec l’accord de son père, il s’installe à Montmartre, chez son frère, le peintre Jacques Villon. Il s’inscrit à l’académie Julian mais en part au bout d’un an à cause des cours théoriques. Il dessine beaucoup et assiste aux numéros de cabaret humoristiques.

 

1908, il commence à exposer au Salon d’Automne (Grand Palais), il est alors très marqué par les impressionnistes et en 1909 il expose au Salon des indépendants (Orangerie des Tuileries). Il peint alors des paysages. Il commence à vendre ses œuvres. Il expose aussi à Rouen.

Il rejoint ses frères à Puteaux où il fréquente des peintres cubistes (Albert Gleizes, Fernand Léger, Jean Metzinger, Roger de la Fresnaye) et aussi des poètes (Guillaume Apollinaire, Henri-Martin Barzun, Maurice Princet, Georges Ribemont-Dessaignes)

 

Pendant ces périodes, Marcel Duchamp explore différents style artistiques : cubisme, impressionnisme, fauvisme symbolisme.

 

1912, Marcel Duchamp se rend à Munich, où il revoit son ami Max Bergmann. Il entre en contact avec l’avant-garde munichoise. Puis il passe par Bâle, Dresde, Berlin ce qui le mène à étudier un nouveau contexte intellectuel, artistique et scientifique.

Il expose à la galerie La Boétie, à Paris, auprès d’autres artistes qui l’influencent également.

1913, il expose aux Etats-Unis.

En cette année il commence aussi à travailler à la bibliothèque Sainte-Geneviève (Quartier Latin) ce qui le rend autonome financièrement.

 

Vers 1913-1915, il s’écarte de la peinture avec les premiers ready-mades, (ready-made : un artiste s’approprie un objet manufacturé en le privant de sa fonction utilitaire et opère sur lui une manipulation sommaire (retournement, suspension, fixation au sol ou au mur…) puis il ajoute un titre, une date, une inscription avant de l’exposer dans un lieu culturel en tant qu’œuvre d’art).

Duchamp prend des articles ordinaires, prosaïques, et les place quelque part où leur signification d'usage disparait sous le nouveau titre et le nouveau point de vue. en arrachant un objet manufacturé à son contexte et en le plaçant dans un lieux inhabituel, Duchamp élève ces objets au rang d'oeuvre d'art par son simple choix en tant qu'artiste. Il marche ainsi une césure profonde avec toute la tradition artistique qui l'a précédé. il se rapproche ainis des dadaïstes mais il souhaite garder son indépendance, n'appartenir à aucun mouvement.

Il collabore à la revue "Le Surréalisme au Service de la Révolution" (1930-1933)

Parallèlement à son art, il s'intéresse aussi au cinéma. 1935 : il dépose le brevet des  "rotoreliefs".

1955 : il est naturalisé américain.

Dans les années 1960 il est considéré comme un artiste majeur du 20e siècle avec son invention des ready-made.

 

Marcel Duchamp n’appartient à aucun courant artistique précis. Il casse les codes artistiques et esthétiques de l’époque. N’ayant pas suivi de cours dans une école d’art, Marcel Duchamp peut être considéré comme un autodidacte.

 

Porte-Bouteilles (1914)

***

 

Vous pouvez retrouver une courte biographie de Gottfried Honegger dans les articles précédents :

Articles du blog

  • La vision de l’art de Gottfried Honegger dans sa lettre à Jean Arp (13-10-21)
  • La vision de l’art de Gottfried Honegger dans sa lettre à Léonard de Vinci (20-04-22)
  • La vision de l’art de Gottfried Honegger dans sa lettre à Sonia Delaunay (19-03-23)

 

Gottfried Honegger (1917-2016)

 

 

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14 janvier 2024 7 14 /01 /janvier /2024 10:28

 

FEMMES POÉTESSES

CONTEMPORAINES

Il n’est pas nécessaire d’être poète de métier ; on peut aimer la poésie et écrire des poèmes en dilettante avec beaucoup de talent et de sensibilité.

Voici deux poèmes écrits par des femmes faisant partie de l’association « Poésie et Nouvelles en Normandie » (Pont-Audemer), tirés de la revue « D'une rive à l'autre », n° 54.

 

 

Le poème ci-dessous est de Michelle Chevalier. L’originalité réside dans le mélange de « points : tricot, couture, ponctuation … » et du déroulement de la vie.

 

Mes amis se sont en allés

Morts au dur combat de la vie

Point à l'endroit, point à l'envers.

Tous ces amis sont des poètes

Au regard bon, au sourire clair

Point de feston, point à la ligne.

Ils reposent sous mes paupières

Chers amis que j'ai tant aimés

Sans point de croix ni de travers.

 

Ce deuxième poème est de Nelly POIRIER. Il est plein de sagesse et de bon sens. Vivons pleinement le moment présent ; il ne tient qu’à nous de faire de ce moment un moment de bonheur.

 

VOIX DE SAGES

« Cueillez dès aujourd’hui les roses de la vie »

(Pierre de Ronsard)

« Hier et demain sont deux jours sans emploi »

(Tenzin Gyatso, dalaï-lama)

 

 

Deux journées dans l’année où l'on ne peut rien faire,

L'une s'appelle Hier, l'autre est nommée Demain.

Il faut dès aujourd'hui se prendre par la main.

L'expérience d'Hier nous est bien nécessaire

Et, sans Demain, chercher des forces, serait vain,

Le rêve est mon moteur, bien plus fort que le pain

Mais pour aimer, créer, pour tout simplement vivre,

Goûter les joies du monde ou plonger dans les livres,

Le Sage et le Poète ont même sentiment :

Le seul moment, c'est Maintenant.

 

 

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21 avril 2023 5 21 /04 /avril /2023 07:06

L’Église céleste (Paul Schuss)

***

PAUL SCHUSS

Un peintre contemporain français

Atelier (Paul Schuss)

***

> Paul Schuss est un peintre français né en 1948 à Münzkirchen (Autriche).

Ses ancêtres (12ième siècle) sont les Cani della Scala de Vérone (Italie) et les Von Asch du Tyrol du sud. 

En 1949 sa famille vient en France où il grandit. 

Après différents domiciles en Provence et sur la Côte d’Azur sa famille s’installe dans la Nièvre (France) en 1953.

À six ans il fréquente l’école primaire de Passy-les-Tours. Il est un élève brillant apprécié de son instituteur. Puis il fréquente le lycée Jules Renard à Nevers. Mais déjà, il s’intéresse de plus en plus à la peinture, domaine où il excelle rapidement.

1967, après le lycée, Schuss commence des études de droit à Paris, qu’il abandonne très vite pour se consacrer entièrement à la peinture. Il a alors 19 ans.

1968, il rencontre Romain de Tirtoff dit Erté, un artiste russe naturalisé français. Il fréquente aussi d’autres artistes, des écrivains, des acteurs.

1970, il part pour l’Autriche, à la recherche de ses racines. Il vit deux ans à Salzbourg puis s’installe à Vienne où il résidera jusqu’en 1979.

1979 : retour en France. Il s’installe en Bourgogne.

1981 : Schuss épouse Chantal Garceau. Ils ont deux enfants :

Tatiana, vivant aux Etats-Unis.

Romain, installé dans la Nièvre.

Sa passion des voyages, la découverte de nouvelles cultures, de nouveaux paysages, l’amènent à parcourir le monde

 

Paul Schuss a commencé à peindre dès l’enfance. À dix ans, un ami de la famille, Albert Drachkovitch-Thomas (petit-fils d’Albert Thomas, homme politique français) découvre son talent et l’encourage dans cette voie. Il lui offre sa première boite de peinture, il a alors 14 ans. Albert Drachkovitch lui enseigne les bases de la peinture à tempera.

Cependant Schuss étudie les autres techniques picturales en autodidacte, telles l’acrylique, l’aquarelle, le lavis, les techniques mixte… .

À 17 ans, Paul Schuss, encore au lycée, expose pour la première fois des tableaux à la tempera qu’il avait peints de 14 à 16 ans. Cette exposition a lieu au Salon du Groupe Nivernais (à la chapelle Sainte-Marie), à Nevers (France). Tous ses tableaux sont rapidement achetés.

Il exposera dans différents lieux :

Il fait sa première exposition parisienne à la Galerie Duncan en 1969. 

En 1970 il expose au Salon des Surindépendants . 

1975 : Exposition à la Galerie Marcel Bernheim (Paris).

***

(Voir les autres expositions : https://fr.wikipedia.org/wiki/Paul_Schuss )

 

> Séjour en Autriche

1971 : Salzbourg : Schuss y passe deux ans et exposera plusieurs fois dans la ville de Mozart et notamment à la Residenz.

La ville de Salzbourg lui achète une peinture ainsi que le Salzburgland.

1973 : Schuss s’installe à Vienne : il expose à plusieurs reprises notamment au Palais Lobkowitz qui est alors le Centre Culturel Français. 

Il fait la connaissance du Dr Karl Kanzian qui le guide dans sa quête spirituelle et collectionne ses œuvres.  Celui-ci deviendra le plus grand collectionneur des œuvres de Schuss en Europe. 

 

1974 : le Prince Otto zu Windisch-Graetz, (apparenté à l’impératrice Sissi et à l’Empereur François Joseph) et d’autres membres de la famille de celui-ci, rendent visite à Schuss dans son atelier à Vienne. Le prince Otto photographie alors les grands tableaux du peintre comme : « Derniers Soleils », « Dialogue avec l’Éternel », « Puissance de la Nature ».

 

La Forêt mystérieuse (Paul Schuss)

 

> Sa peinture

Schuss découvre le pouvoir mystique de la lumière, en pleine adolescence.

« C'est aussi en pleine adolescence qu'il découvre le pouvoir mystique de la lumière. La vision d'un flot de lumière dorée, chaude, vibrante et étrange - comme habitée - jaillissant à travers la fenêtre d'une tour d'un château-fort en ruine, le toucha au plus profond de lui-même. Cette image qui lui fit ressentir la vie de la lumière ne le quittera jamais. Elle influera de multiples manières sur son œuvre. » (Wikipédia)

A cette époque l’âme tourmentée de l’artiste s’exprime par des peintures aux tons sombres. 

Le ciel y tient une grande place car Paul Schuss a toujours considéré que c’est dans le ciel que se passait la partie la plus importante dans ses tableaux. 

Schuss utilise aussi l’encre de Chine. Il apprend la lithographie en 1987 dans l’atelier de Jacques Mourlot, fils de Fernand Mourlot ; il réalise 6 lithographies en noir et blanc : « L’Arbre refuge », « Passions indomptées », « L’attente », « Le Vieux Pont », « Les Corbeaux », « La Lettre oubliée » et 5 en couleur : « Tatiana ou le voyage des bulles », « La Méditation »en 1987,  «  Reflets » et  «  A la Croisée des Chemins » en 1988 et enfin « Le Rivage du Silence » en 1989 

Schuss détruit officiellement les plaques qu’il a réalisées pour l’impression et chaque lithographie est accompagnée à la vente d’un certificat d’authenticité signé par Mourlot. 

Ses lithographies en noir et blanc connurent le même succès au Japon que ses lithos en couleurs.

1987, Schuss fait la connaissance de Marc Squarciafichi qui devient son marchand au Japon. Squarciafichi dit Marcestel, expose les œuvres de Schuss, ainsi que celles d’autres peintres de l’École de Paris, dans de grandes galeries à Tokyo : Daimaru, Nikken…, et dans les plus grandes villes du pays .

À cette époque le docteur Sozo Hino, propriétaire du Hino Hospital, aussi grand collectionneur d’œuvres d’art, achète les tableaux de Schuss en vue de créer un musée Schuss à Osaka, mais le projet sera abandonné en 1991, suite à la reprise des essais nucléaires de la France.

Schuss Paul expose dans des galeries internationales depuis plus de 50 ans et beaucoup de ses tableaux se trouvent dans des collections privées et publiques sur les cinq continents.

(Voir https://fr.wikipedia.org/wiki/Paul_Schuss )

 

Le peintre Paul Schuss et la peinture

Pour Paul Schuss « l’art se situe au-delà des différences de races, de religions et de culture et de tout autre préjugé allant dans ce sens, d’où sa grandeur.

La peinture comme toute forme d’art est un message d’une âme à une autre âme.

Chaque période de l’humanité choisit dans son héritage culturel, la forme d’art dont elle a besoin, et chaque génération a un autre besoin, de même que chaque être. »

 

Puis le peintre Schuss évoque de façon plus personnelle sa peinture et ses réflexions à ce sujet :

« Lorsque je peins et qu’intensément je suis entré dans mon tableau, il me semble qu’une partie de moi-même se promène ailleurs.

Je ne travaille que quelques heures par jour mais avec une concentration extrême et je m’arrête complètement épuisé. " À chaque jour suffit sa peine. "

J’aime la nature passionnément, et si j’aime la peindre dans tout son feu et dans toutes ses flammes, j’aime aussi la peindre dans toute sa douceur et dans toute sa poésie.

Surtout n’ayez aucune crainte à faire un tableau trop beau, car même lorsque vous pensez avoir atteint le summum, vous êtes encore loin de la Parfaite Beauté, de la Perfection Divine.»

 

 

Schuss poursuit sa réflexion et ajoute :

« Ne croyez pas, lorsque vous voyez dans mes tableaux des éléments de l’imaginaire, que je les ai peints sans raison… ils ont leur place dans l’œuvre avec la même logique que le reste.

Je peux passer bien du temps à savoir par exemple comment un oiseau vole : je l’observe dans la nature, j’étudie des documents scientifiques, jusqu'à ce que j’en ai une excellente connaissance. Puis je le peins dans toute sa vérité à côté d’un ange ou d’un objet en lévitation, ou d’un arbre au-dessus d’un village étrange. Tous ces objets, toutes ces créatures ont dans l’œuvre la même raison d’être, la même réalité, la même vérité.

Il y a des sujets qui me hantent et que je porte en moi des années avant de les peindre. Certains tableaux vivent dans ma tête depuis l’âge de 18 ans et je continue de les affiner.

D’autres surgissent d’un seul coup et sont prêts à être portés sur la toile. »

 

 

 

Dans la suite de ses réflexions, Paul Schuss nous plonge dans le cœur de sa création :

« J’ai une foi absolue dans mon travail, dans mes œuvres. Si je ne l’avais pas, jamais je ne pourrais mobiliser toutes ces forces nécessaires à leur création. Et lorsque je crée une œuvre, je me sens à la fois peintre, poète, musicien, architecte et sculpteur. J’ai l’intense désir d’unir dans mon tableau toutes ces formes d’art en un Art Unique.

Même lorsque je conçois en pensée un tableau jusque dans ses moindres détails, je ne sais jamais le résultat final, car entre le tableau imaginé et le tableau réalisé il y a la résistance de la matière et il ne m’est pas possible de la dominer complètement malgré une technique extrêmement élaborée.

Et une excellente technique est un formidable support pour l’expression de l’artiste, mais ce n’est pas une finalité en soi.

La grandeur d’une peinture dépend de son universalité et non des époques ou des modes. »

 

 

Schuss approfondit sa pensée et ajoute :

« Bien qu’étant un enfant de mon siècle, je me suis toujours senti en opposition avec une partie de mon époque, surtout la partie qui recelait le plus d’agressivité, de brutalités et de manque d’imagination, tant dans la musique, la sculpture, l’architecture, le cinéma, la danse ou la peinture que dans les rapports entre les êtres humains en général.

À une époque de mon développement artistique, lorsque je travaillais à la Tempera, la technique des maîtres anciens me fascinait tellement que j’essayais d’en percer tous les secrets. J’essayais d’en rendre tous les aspects… jusqu’aux craquelures des vernis.

Je peins ce que j’aime et ce que je ressens et je le peins comme je le ressens. Je suis en harmonie avec moi-même.

J’ai le désir intense de canaliser l’harmonie dans mes œuvres et de la redonner au contemplateur pour que ses pensées et ses sentiments s’illuminent et s’élèvent. »

 

Sa philosophie

Paul Schuss développe ensuite, de façon plus générale, sa philosophie du monde et  de l’art en particulier :

« Je suis persuadé que le langage pictural le plus chargé de signification pour l’être humain est celui de la nature, avec toute sa richesse de formes, de couleurs et d’atmosphères.

Et j’utilise donc ce langage concret si puissant plutôt qu’un langage abstrait, tronqué et affaibli. Je suis convaincu que de tous temps l’homme y est plus sensible et le comprend le mieux… et grâce à lui il peut même ressentir les forces cachées derrière ces apparences. »

 

 

« Si vous êtes sincère avec vous-même, vous conviendrez qu’en art il n’est pas possible d’être objectif. Chacun juge une œuvre selon ses critères personnels, selon son degré de sensibilité et d’évolution. Et quels sont les critères pour définir une grande peinture ?

Il y en a autant que de spectateurs… et ils sont aussi contradictoires…

Aussi est-il sage d’établir ses propres critères qui sont tout à fait relatifs.

Une chose est certaine : faites votre travail avec amour et ce que vous peindrez sera vrai ; peu importe le sujet et peu importe le style. »

 

 

Le mysticisme du peintre

Paul Schuss se dévoile ici encore davantage, relatant certains épisodes de sa vie :

« À une période de ma vie, je me voulais absolument antireligieux et pourtant sans le savoir j’avais la foi.

Maintenant je peux m’incliner avec la même humilité devant les Divinités d’un temple bouddhiste ou hindou, devant le Dieu d’une mosquée, d’une église orthodoxe ou d’une cathédrale catholique.

Pour moi il s’agit de la seule et même Divinité à laquelle les hommes ont donné plusieurs noms.

Il est vrai que l’orgueil peut donner beaucoup d’énergie pour réaliser une œuvre, mais quelles souffrances aussi.

Si on parvient à laisser une bonne partie de son orgueil, on vit mieux et on travaille plus sereinement. »

 

 

« Pour une grande part l’artiste est quelqu’un qui n’accepte pas le monde tel qu’il est, et qui veut le recréer à son image.

C’est la partie secrète, la partie mystérieuse, la partie essentielle des êtres et des choses qui me passionne et c’est par l’amour que les choses se dévoilent et livrent leurs secrets et non par le mépris. »

 

Schuss nous dépeint l’état d’esprit dans lequel il travail, les conditions qui lui sont nécessaires.

« Lorsque je peins, je suis d’une sensibilité extrême, un écorché vif.

Aussi me sachant si vulnérable, je ne vis qu’au sein de la nature, de ma famille, de mes amis et de mon tableau.

Je me protège, je me cache de tout le reste. Une fois mon œuvre achevée, je reviens dans le monde profane, je revêts une carapace, je me blinde et je suis prêt à affronter le monde extérieur. »

 

 

Le spleen du peintre

On peut constater que Schuss devient de plus en plus sensible à son vécu, à ce qui se passe dans le monde, à la nature, mais surtout il recherche la sérénité, la beauté, l’harmonie qui grandissent l’âme.

« J’ai suffisamment nagé dans la tourmente et dans les tempêtes dans mes vertes années… et cela jusqu’au dégoût de la souffrance.

J’ai parfois des moments de tristesse infinie comme si je portais en moi la détresse de la terre entière. Mais j’ai aussi des flambées de bonheur et de reconnaissance intense envers mon destin.

Mais j’ai aussi des flambées d’intense soif de pureté et de sérénité, et j’ai donc choisi le chemin qui va vers la beauté et l’harmonie.

Aussi je n’aspire plus qu’à la paix, à l’harmonie et à la sagesse… j’aspire à vieillir car ce sont des qualités qui vont rarement de pair avec la jeunesse. Aussi je ne voudrais pas être plus jeune, pas même d’une seconde.»

 

 

Selon Paul Schuss

« L’Art devrait avoir pour but sublime d’élever l’homme en sensibilisant et en affinant tout son être.

Un art brutal, grossier, laid, sans sensibilité et sans émotions avili l’homme et va à l’encontre de la vie et du progrès. »

Le peintre « souffre de plus en plus devant des couleurs sales, brutales et laides, ou devant des sons sans harmonie, comme on en trouve tant dans notre siècle. »

Et il ajoute :

« Aussi suis-je de plus en plus à la recherche de la transparence, de la luminosité de l’harmonie des couleurs.

Je voudrais en extraire tout ce qu’il y a de sale, d’impur et de grossier afin qu’elles apparaissent comme une pure lumière aux multiples reflets. Il faut ressentir la grandeur de cette pureté pour avoir envie de l’atteindre. »

 

 

Pour lui, certains termes sont essentiels comme :

« Créer …Il n’y a qu’une chose qui importe c’est de créer.

L’intérieur … il faut peindre l’intérieur des êtres et des choses.

Poésie et douce mélancolie vont souvent main dans la main. »

 

 

Le peintre se projette dans l’avenir et nous livre cette réflexion :

« À l’aube de ce troisième millénaire, il nous faut maintenant remonter du creux de la vague, et reconstruire, recréer un monde où la beauté et l’harmonie, la lumière et la spiritualité seront les piliers d’un nouvel édifice.

Au-delà de toutes les horreurs, il y a en ce monde une immense soif de pureté.

Il ne faut surtout pas manquer d’aller dans cette direction.

 

Le succès est formidable car il permet à l’artiste de vivre de son art, cependant ma véritable récompense est dans mon atelier lorsque je peins avec bonheur. »

 

 

L’énigme temps – espace

« L’énigme temps – espace m’a toujours préoccupé ; le temps qui passe, les choses qui se défont, les cycles qui reviennent…

Je suis persuadé que si l’être humain arrive à percer le secret du temps-espace une grande lumière se fera sur le monde et sur son destin. »

 

La Source (Paul Schuss)

 

Quelques articles de presse pour mieux comprendre le peintre Paul Schuss

 

« Paul Schuss, […], ce jeune artiste nous entraîne dan un univers visionnaire d’une étonnante force poétique. Ce romantisme servi pat une technique classique parfaitement maîtrisée est un appel à la méditation, au recueillement, au contact psychique  avec les grandes forces solaires et terriennes sont le peintre se mble capter l’essence, l’âme, la pulsion vitale. Quête d’absolu. Quête de connaissance, de communion avec ce divin — ce soleil intérieur — qui hante ce chercheur de musique des sphères, ce conteur alchimiste d’un autre temps. Soif de paix. Soif de grands espaces illuminés de soleils bénéfiques. Soif de communication, aussi, avec l’essentiel des êtres : le cœur et l’âme. Des œuvres comme « Dialogue avec l’Eternel », « La Planète éclatée » sont d’étonnantes méditations d’une grande richesse spirituelle. » (Revue Moderne, exposition galerie Marcel Bernheim, Paris, 1975)

 

 

 

« L’abstrait d’un côté, le figuratif de l’autre et, entre les deux, un rêveur, un poète, un peintre au surréalisme des plus personnels Paul Schuss, à la Galerie de la Place Beauvau.

D’une délicatesse infinie, le pinceau pose sur la toile des touches en même temps évocatrices et précise. On se trouve face à un univers que l’on croit connaître mais auquel le peintre donne une aura inconnue.

Voici un arbre immense, imposant, richement feuillu, « L’Arbre aux fées ».

On ne les voit pas mais on ressent leur présence.

Elles vont apparaître… non …pas encore mais elles surgiront parce que le magicien Paul Schuss l’aura voulu.

Pureté des ciels, bleus ou fauves, tendresse du paysage et des tonalités environnant « L’Aube » qu’incarne une Aphrodite debout dans le ciel.

Une rivière se transforme soudainement en route à moins que ce ne soit le contraire et l’enchantement continue avec « Les Feux du Couchant » et « Le Chant des Sirènes » ((94 Faubourg St Honoré). Juin 1984. » (Prévisions, L’Économiste de Paris, Panorama artistique, Galeries et Musées, par Robert Barret)

 

 

 

Pour plus d’articles Voir https://fr.wikipedia.org/wiki/Paul_Schuss

 

Rêves et paix (Paul Schuss)

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19 mars 2023 7 19 /03 /mars /2023 09:09

Sonia Delaunay, lithographie

***

LA VISION DE L’ART DE GOTTFRIED HONEGGER

DANS SA LETTRE À SONIA DELAUNAY

***

Gottfried Honegger (1917-2016)

*

Gottfried Honegger, né et mort à Zurich (1917-2016), est un peintre, graphiste publicitaire et collectionneur suisse.

Il a vécu et travaillé à Paris, Zurich, Mouans-Sartoux (Alpes-Maritimes)…

1938 : il fonde un atelier de graphisme, de décoration et de photographie.

Entre 1939 et 1960, il séjourne dans différents pays puis revient en France en 1960, où il utilise l’informatique pour des dessins programmés par ordinateur.

Honegger réalise des Tableaux-reliefs aux formats monumentaux.

Il est reconnu comme l’un des piliers de l’art concret (mouvement artistique de tendance abstraite).

Il travaille sur le principe des variations à partir d'un seul et même thème.

 

Il pense que la beauté peut changer le monde. Pour lui, l’art a une fonction sociale, ce qui le conduit à concevoir un outil pédagogique : Le Viseur. Cet instrument est destiné à l’apprentissage du regard pour l’enfant : améliorer la perception des couleurs, des formes, du rythme. En 2015, Honegger avait initié des activités plastiques pour les enfants handicapés.

Il est convaincu que «l'excès d'images virtuelles paralyse notre conscience», il s'inquiète de l'addiction des jeunes aux écrans, allant parfois jusqu'à la folie.

 

Il réalise les vitraux des quatorze baies supérieures de la nef de la cathédrale de Liège, avec Hervé Loire, maître verrier de Chartres. (2014).

En 2000, avec sa dernière épouse, Sybil Albers-Barroer, il fait la donation de leur collection d’art (500 œuvres de 160 artistes) à l’État français.

Sonia Delaunay, portrait (vers 1912)

*

"Lettre à Sonia Delaunay

 

Très chère,

 

Je me souviens, Robert Delaunay m'a écrit autrefois : « Aussi longtemps que l'art actuel ne se libérera pas de l'objet, il restera description, littérature, esclave de l'imitation ».

Effectivement, chère Sonia, vous avez prouvé par votre œuvre qu'un art libéré du « contenu » ouvrait les portes du ciel. Vos tableaux, il faut les percevoir en ouvrant grand les oreilles. La musique des couleurs et le rythme des formes caressent nos yeux, font atteindre le sublime.

J'ai eu envie de vivre et de m'approprier le monde de la même manière que votre art se déploie. A quelle source d'espoir puisent votre espoir, votre joie, votre courage de vivre ? Vous débordez, vous composez un chant de couleurs que je n'oublierai jamais.

Les couleurs, n'est-ce pas, il faut les écouter.

 

Lorsque je vous ai rendu visite, j'ai appris à connaître votre personnalité. Vous avez fait la paix avec l' »être ». L'humain contient l'inhumain, dites-vous, ce fait aussi a besoin de la lumière de l'art. Oui, nous avons besoin de l'art, pour tenir tête à la cruauté du quotidien. L'art est peut-être notre ange gardien, celui qui le suit vit dans la beauté et la vérité.

Je vous ai écoutée avec un grand intérêt raconter votre immigration à Paris. Je suis moi-même quelqu'un qui souffre de l'absence de patrie. Ici, à Paris, je suis un étranger, en Suisse, où je suis né, je suis un Suisse de l'extérieur.

Cette non-appartenance a certainement déterminé la forme et le contenu de mon travail.

L'art, vous avez raison de le dire, est toujours imprégné du lieu du crime, de la culture dans laquelle l'artiste vit et travaille. Hans Hartung, par exemple, quand il immigra à Paris, était un expressionniste allemand. Aujourd'hui, devenu cent pour cent français : c'est un informel.

 

En Europe, cette diversité culturelle nous permet — et pas seulement à l'artiste — de trouver notre biotope, notre identité. Je pense que la diversité culturelle est notre capital européen. La diversité des langues, des mœurs, des traditions correspond à la diversité de nos caractères, à notre histoire. La perte de cette richesse conduit à l'uniformité, à l'égalisation, à la perte d'identité.

Vous m'avez raconté que le poète Maxime Gorki, un ami intime de Staline, le dictateur, a suggéré de faire du russe la langue nationale. Visiblement Staline a repoussé cette idée en arguant qu'il perdrait le pays natal, l'odeur de sa langue maternelle.

Il est pour moi incompréhensible que les politiques actuels puissent envisager avec tant de légèreté l'appauvrissement culturel de la nouvelle Europe. Et pourtant Robert Schuman, le père spirituel de l'Europe, a écrit : « L'Europe avant d'être une alliance militaire ou une entité politique doit être une communauté culturelle ».

 

Votre œuvre prouve que de la rencontre d'une Russe et d'un bourgeois français naissent des fleurs nouvelles et des fruits insoupçonnés. Vous apportiez la couleur, Robert, la forme, et l'inséparable tout fut un enfant européen. Vous représentiez ce qui dans l'avant-garde russe était révolutionnaire : le spirituel ; la liberté était la contribution française de Robert Delaunay. Vous comprenez maintenant pourquoi je suis inquiet. Le libre marché, la puissance économique des monopoles, la mondialisation, la bourse, la consommation de masse, tout cela et plus encore affadit, étouffe pour toujours la prodigieuse richesse culturelle européenne. Ce qui a mis mille ans à se développer est menacé par un néo-libéralisme aveugle. Ce serait à nous les intellectuels de protester, d'éclairer, d'apporter notre concours à la nouvelle Europe.

« La santé de la nouvelle Europe repose sur deux conditions : chaque pays doit avoir sa culture propre et les différentes cultures doivent connaître et reconnaître leur parenté intérieure », Eliot.

« Le pluralisme - c'est-à-dire l'égalité des droits, le vivre ensemble protégé par des garanties fondamentales et la possibilité d'une pluralité de groupes sociaux au sein d'une communauté étatique — a été reconnu de plus en plus clairement comme l'une des caractéristiques d'une démocratie libérale », Sontheimer.

Nous n'avons qu'une alternative : soit la prédominance totale de l'économie dans tous les domaines de la vie, la consommation de masse, l'aliénation et l'anonymat par refus de l'art, soit une politique culturelle qui ne favorise pas les arts de façon centrale mais régionale, qui rend possible d'accroître nos expériences, de renforcer la créativité et la liberté individuelle de chacun de nous.

Certains indices me donnent à penser qu'aujourd'hui une minorité a pris conscience d'un appauvrissement culturel. Je rêve d'une exposition dans laquelle on pourrait montrer la diversité de l'art en Europe. Il n'y a rien de plus beau que d'expérimenter la différence des cultures. À cela s'ajoute que dans un monde qui devient de plus en plus standardisé, les identités culturelles sont vitales pour notre bien-être.

Chère Sonia, je me réjouis de notre prochaine conversation."

***

« Même en dehors du fauvisme, Sonia appartient, par la couleur de ses premiers tableaux à l'espèce des grands fauves. Sa force de création est instinctive comme la puissance animale. » (Jacques Damase)

 

***

SONIA DELAUNAY (Sonia Ilinitcha Stern), qui se considérait avant tout comme française et plus encore, comme parisienne « Je ne me sens bien qu'en France, et encore pas partout. Avant tout l’Île de France, c’est ce que j’aime le plus », est née en 1885, en Ukraine, dans une juive. Son père est ouvrier. À 5 ans, elle est adoptée par son oncle, avocat à Saint-Pétersbourg. Elle vit alors dans un milieu cultivé et passe ses vacances à l’étranger. Elle parle français, allemand, découvre les arts.

En 1903, elle est envoyée à Karlsruhe (Allemagne) où elle étudie de dessin

1905, elle arrive à Paris où elle s’installe dans une pension au quartier latin avec d’autres jeunes filles russes.

Elle suit les cours de l’Académie de la Palette.

Très vite elle travaille seule et part à la découverte de Paul Gauguin, Pierre Bonnard, André Derain et Vuillard qui exposent à la galerie Bernheim et qui ont fondé le fauvisme. Nouveau style qui enthousiasme Sonia mais qu’elle veut dépasser.

 

1907 : son premier tableau fauve, Philomène. Cette période est très importante pour elle. Elle y laisse éclater son goût des couleurs vives. Ces couleurs vont réveiller, plus tard, la tendance »sombre » dans laquelle Robert s'enferme. Mais sous l'influence de Sonia, il se relance dans des couleurs plus franches.

 

1907-1908 : Sonia apprend la gravure. Elle rencontre le collectionneur et galeriste allemand, Wilhelm Uhde quelle épouse en 1908.

Elle commence ses premières « tapisseries-broderies », et à la galerie Uhde, elle rencontre Robert Delaunay, Picasso, Derain, et George Braque.

 

1910 : après avoir divorcé de Uhde, elle épouse Robert Delaunay. Ils reçoivent beaucoup et font la connaissance de Kandinsky Vassily.

1911 : naissance de leur fils Charles.  Sonia réalise sa première œuvre abstraite avec du textile : une couverture pour son fils, un assemblage de coupons de diverses couleurs vives, selon la tradition ukrainienne. Elle joue avec les couleurs comme dans sa peinture, fait des collages, des reliures de livres en papier et déchets de tissus. Elle peint des coffrets, des abat-jour, des voilettes…

1912 : Apollinaire donne  au mouvement pictural fondé par les Delaunay, le nom d’Orphisme.

 

Sonia et Robert Delaunay ont surtout travaillé ensemble sur la recherche de la couleur pure et du mouvement des couleurs simultanées, une tendance qui a inspiré d'autres peintres après eux,

 

De plus en plus orientée vers l’art abstrait, elle crée en 1946 le Salon des réalités nouvelles pour promouvoir l'abstraction.

Elle laisse derrière elle une œuvre abondante qui comprend des tissus imprimés, des livres d'artistes, des robes de haute couture…

Plaque Sonia et Robert Delaunay, 16 rue de Saint-Simon, Paris 7e

***

Commentaire

Déjà en 2003, dans cette lettre, Gottfried Honegger, soulève un problème qui, on le voit aujourd’hui, en 2023, s’est accentué.

L’anglais s’impose partout. Une certaine catégorie de personnes ne veut s’exprimer qu’en anglais (snobisme, manque de connaissance de la langue française… ?)

  • Chanteurs
  • Créateurs d’entreprises
  • Médias

À la radio nationale, on n’entend plus que des chansons en langue anglaise, même si les auteurs sont français, allemands…

Les nouvelles entreprises situées en France portent des noms anglais.

Dans les médias : vocabulaire franglais, anglais, même si la majorité des Français ne comprend rien.

On oublie le vocabulaire français, si riche, on oublie la syntaxe, la grammaire françaises (que de fautes n’entend-on pas, ne voit-on pas dans les médias.

Les entreprises françaises avec des noms anglais, n’incitent pas la majorité du peuple à les contacter.

 

Petit à petit, les jeunes générations, baignant dans cette atmosphère, appauvrissent leurs connaissances en français et bientôt ne sauront plus parler correctement leur langue maternelle.

Sommes-nous condamnés, à plus ou moins long terme, à nous exprimer dans une langue mondiale ou européenne appauvrie, uniformisée, dans une pensée unique.

 

Par contre, le métissage est positif, il apporte de la richesse culturelle, du sang neuf, grâce aux gens venus d’ailleurs et évite ainsi à une société de se scléroser.

Nous apprenons les uns des autres, nous nous enrichissons mutuellement.

Une langue européenne, voire mondiale est utile pour mieux nous comprendre sur notre planète, mais en plus des langues nationales, voire régionales.

 

Avec les progrès, la modernisation (tout cela est utile, voire indispensable) nous avons perdu beaucoup de savoir-faire, beaucoup de vocabulaire aussi.

 

En fait, la pensée s’appauvrit ; s’impose à nous un schéma de pensée universelle, standard, mais très simplifié.

Édith Schuss, L'Anémone rouge

 

 

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20 avril 2022 3 20 /04 /avril /2022 14:41

L’Homme de Vitruve
 (Léonard de Vinci)

 

****

 

LA VISION DE L’ART DE GOTTFRIED HONEGGER

DANS SA LETTRE À LEONARD DE VINCI

 

Gottfried Honegger (1917-2016)

 

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Gottfried Honegger, né en 1917 à Zurich et mort en 2016 également à Zurich, est un peintre, graphiste publicitaire et collectionneur suisse.
Il a vécu et travaillé à Paris, Zurich, Mouans-Sartoux (Alpes-Maritimes)…

En 1938, il fonde un atelier de graphisme, de décoration et de photographie.
Entre 1939 et 1960, il séjourne dans différents pays puis revient en France en 1960, où il utilise l’informatique pour des dessins programmés par ordinateur.

Honegger réalise des Tableaux-reliefs aux formats monumentaux.

Il est reconnu comme l’un des piliers de l’art concret (mouvement artistique de tendance abstraite).
Il travaille sur le principe des variations à partir d'un seul et même thème.

 

Il pense que la beauté peut changer le monde. Pour lui, l’art a une fonction sociale, ce qui le conduit à concevoir un outil pédagogique : Le Viseur. Cet instrument est destiné à l’apprentissage du regard pour l’enfant : améliorer la perception des couleurs, des formes, du rythme. En 2015, Honegger avait initié des activités plastiques pour les enfants handicapés.

Il est convaincu que «l'excès d'images virtuelles paralyse notre conscience», il s'inquiète de l'addiction des jeunes aux écrans, allant parfois jusqu'à la folie.

 

« Son père fut sa deuxième école, éthique plus que politique : « Un père socialiste qui me dit : “Tu as eu de la chance, mais il y en a d’autres qui n’ont pas eu cette chance. Fais ton travail pour aider ceux-là.” Et je suis devenu socialiste avec un imaginaire de paysan. » (Le Monde, 18 janvier 2016).

 

Il réalise les vitraux des quatorze baies supérieures de la nef de la cathédrale de Liège, avec Hervé Loire, maître verrier de Chartres. (2014).
En 2000, avec sa dernière épouse, Sybil Albers-Barroer, il fait la donation de leur collection d’art (500 œuvres de 160 artistes) à l’État français.

 

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«l'Europe avant d'être une alliance militaire ou une entité politique doit être une communauté culturelle». (Maurice Schumann)

 

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La Joconde (Mona Lisa)

 

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Lettre à Léonard de Vinci

 

Très cher,

 

Afin de persuader notre ministre de la culture que l'art ne fait pas que coûter de l'argent, qu'il en laisse aussi dans les caisses de l'État, je lui ai écrit le billet suivant : « Mona Lisa, votre tableau suspendu au Louvre a rapporté à la France plus de devises et de prestige que Citroën, Peugeot et Renault réunis. Votre Mona Lisa n'a jamais fait grève, n'a jamais été malade, ni enceinte. Durant les cinquante dernières années, elle n'a été absente que deux ans. Et le vol n'a fait que renforcer sa légende, sa popularité. Ajoutons que Mona Lisa est un cadeau que vous avez fait à François Ier, alors roi de France ».

 

Il serait temps d'admettre que l'art n'est pas un luxe. Une ville comme Paris dépérirait sans l'art, sans les musées. Chaque année quatorze millions de touristes viennent dans la capitale, essentiellement attirés par la légende artistique de Paris. C'est l'art en premier qui crée une identité nationale.

 

**

 

La poésie est un art qui ne se sent pas, alors que l’art, une poésie qui ne se voit pas » (Léonard de Vinci)

 

**

 

Ceci dit en passant. Si je vous écris, c'est parce que la vulgarisation de votre Mona Lisa me préoccupe. Pas un drap de lit, pas une assiette, pas un t-shirt, pas..., pas..., pas..., pas une publicité télévisuelle sans elle. Votre œuvre est devenue une marque mondiale, exploitée avec cynisme et mauvais goût. Même des collègues artistes comme Marcel Duchamp ou Andy Warhol utilisent Mona Lisa, pour je ne sais quelle raison. Ce culte de Mona Lisa, cette pseudo-culture qui mêle art et consommation nuit à votre œuvre, à l'art tout entier. On utilise la légende de votre œuvre à des fins mercantiles. Le dommage qu'elle subit témoigne d'une économie sans scrupule, sans éthique.

 

Mais il n'y a pas que votre Mona Lisa, tout ce qui possède un éclat, un sens, est déshonoré. Quand la religion sert à vendre des pâtes alimentaires et Picasso des Citroën, plus rien n'est épargné.

Les héritiers Picasso, eux-mêmes, dirigent à New York une multinationale de la marque Picasso qui ne rapporte pas un simple pourboire. Que Picasso ait été communiste et ait dessiné la colombe de la paix s'embarrasse personne de nos jours. Picasso qui a écrit : « Je ne peins pas pour décorer des murs, je peins contre les ennemis de l'humanité » .

 

 

 

**

 

« Chez nous, les hommes devaient naître plus heureux qu’ailleurs, mais je crois que le bonheur vient aux hommes qui naissent là où il y a du bon vin. » (Léonard de Vinci)

 

**

 

Est-ce que je vous parais trop moralisateur, trop prude, trop dépourvu d'humour ? Je pense que l'économie, le néolibéralisme ont besoin du manteau de la culture pour camoufler leur égoïsme, leur course à l'argent et au pouvoir. En ce sens le sponsoring de l'activité économique est pure publicité de prestige. L'art doit fournir ce que la Bourse ne possède pas : la culture.

Cette popularité mondiale de l'art n'épuise pas seulement l'éthique de votre œuvre. Max Bense, un philosophe allemand, professeur au nouveau Bauhaus d'Ulm m'a convaincu qu'une œuvre d'art, aussi bonne qu'elle soit, est condamnée au kitsch par la reproduction en série et par le temps. Il a raison, votre Mona Lisa est aujourd'hui nue, avilie, récupérée par le tourisme de masse — le safari culturel.

 

Vous m'avez écrit autrefois : « Nous en concluons que la peinture n'est pas qu'une science (c'est-à-dire un chemin vers la connaissance), elle est chose divine qui recrée l'œuvre vivante de Dieu ». Vous écriviez dans la même lettre : « L'art pictural atteint une telle perfection qu'il ne se consacre pas seulement aux apparences de la nature, il engendre les apparences comme nature ».

Votre vision de l'art me donne le courage de persévérer, de continuer à protester. Notre travail est aujourd'hui plus que jamais une exhortation. Nous devons dans l'ombre d'un monde qui se cherche rendre perceptible la croyance à un meilleur, à un possible. L'espoir est une énergie qui fait jaillir la lumière.

Autrefois une idéologie uniforme déterminait la forme et le contenu de l'art. L'art était au service du pouvoir, mais aussi des Lumières (Aufklàrung). Aujourd'hui je regrette l'absence de commande officielle. La diversité de l'art actuel est le reflet de notre liberté démocratique. Ce qui nous manque, ce qui manque à la plupart des artistes c'est de comprendre que l'art, comme il l'a toujours fait, doit viser une politique culturelle. Un art sans engagement social reste décoratif, un simple divertissement.

Ce qui caractérise votre œuvre, c'est sa participation à la vie publique. Votre art rend visible. Il nous ouvre les yeux sur le miracle du monde.

Je vous remercie de votre patience. Je vous remercie aussi, parce que votre œuvre, l'impact de vos tableaux ont fortifié ma conscience, ma volonté de créer des formes.

 

Léonard de Vinci (1452-1519)

 

**

Léonard de Vinci (1452 à Vinci-1519 à Amboise)

La personnalité puissante et séduisante de Léonard de Vinci est apparue au moment où la renaissance était en pleine vigueur. Léonard de Vinci s’y trouvait parfaitement à l’aise.

Il a incarné pleinement les idées nouvelles de la période, par-dessus tout, la liberté nouvelle de l’artiste, émancipé des cadres professionnels anciens. Pour lui, cette soif de liberté devait permettre à l’artiste de s’émanciper de ces cadres et dominer, par la réflexion scientifique et philosophique, l’empirisme des métiers.

C’est ainsi que Léonard de Vinci devint l’interlocuteur des grands de l’époque à travers l’Europe.

Son génie infatigable et singulier « déborde les préoccupations objectives et sereines de la première renaissance ».

 

Sa biographie atteste une activité prodigieuse qui n’est pas toujours menée à terme, suscite des reproches et se retrouve de bonne heure colorée par la légende, son œuvre écrite connaît un sort étrange : ses recherches théoriques donnent des proportions inconnues à la doctrine d’ « l’art-science ».

Il touche à tous les arts en suggérant partout un idéal de rigueur et de complexité qu’illustre, en peinture un petit nombre d’œuvres souvent inachevées.

 

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« Plus on connaît, plus on aime » (Léonard de Vinci)

 

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Quelques éléments de sa vie :

 

Né en 1452 à Vinci (Italie), près de Florence, il est le fils naturel d’un notaire Piero da Vinci et d’une jeune paysanne. Il est élevé dans la maison paternelle à Vinci et choyé par sa jeune belle-mère (ce qui nuance les spéculations de Freud sur la pénible condition du bâtard, car Ser Piero se maria quatre fois mais n’eut un second enfant qu’en 1476).

Son père l’inscrit à 10 ans, à Florence, dans une « scuola d’abaco » et ensuite dans l’atelier de Verrocchio.

Il y apprend les mathématiques, l’architecture, la perspective mais aussi la peinture le dessin et la sculpture.

Il y côtoie Botticelli et Pérugin, entre autres.

En 1472, L. de Vinci devient membre de la corporation des peintres de Florence. Il reste cependant au service de Verrocchio jusqu’en 1482.

 

Léonard de Vinci débute sa propre carrière par des portraits, tableaux religieux…

Il réalise surtout des commandes passée par les monastères et notables de Florence.

Afin de se mettre à l’abri du besoin, il cherche un mécène. Apprenant que le duc de Milan, Ludovic Sforza (dit Ludovic le More) veut ériger la statue équestre de son père, Léonard part pour Milan (1482) où il se consacre à la création de cette statue pendant 16 ans. Mais faute de bronze elle ne sera pas réalisée.

Il peint cependant les portraits suivants :

Portrait de Cesilia Gallerani (maîtresse du duc de Milan), La Vierge aux Rochers, La Dame à L’Hermine.

Il est nommé « Maître des arts et ordonnateur des fêtes » et invente des machines de théâtre.

À la chute du duc de Milan, Léonard quitte la ville. Pendant 15 ans il voyage entre Florence, Rome, Milan.

Génie touche à tout, il se fit connaître, partout, par l’importance et la diversité de son œuvre: peinture, sculpture, littérature, dessin, portrait, travaux de mathématiques, décors de théâtre…

 

Vers 1490 Léonard de Vinci, dessine « L’Homme de Vitruve », célèbre dessin inspiré des écrits de l’architecte romain Vitruve qui a travaillé sur les proportions idéales du corps humain.

Il montre un homme placé dans un cercle avec pour centre le nombril ; œuvre symbolique de la Renaissance, de l’humanisme et de la science. (L’homme est au centre de tout).

 

Dessin-invention de Léonard de Vinci

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Léonard de Vinci en France

 

À la fin de 1516, Léonard de Vinci est invité par le roi de France, François Ier (vainqueur de Marignan et arbitre de l’Italie).

Il a pris soin d’emporter avec lui ses tableaux et ses cahiers de notes qu'il laisse en totalité à son élève et compagnon fidèle, Francesco Melzy.

 

En 1517 il réside à Amboise, au Manoir de Cloux (actuel Château de Clos Lucé) et est nommé « premier peintre et architecte du roi ».

Il reprend des projets de canalisation pour Romorantin, et donne, en même temps des décors pour la fête de cour du printemps de 1518.

 

Léonard de Vinci meurt le 2 mai 1519, à Amboise.

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« Comme une journée bien remplie nous donne un bon sommeil, de même une vie bien remplie nous mène à une mort paisible » (Léonard de Vinci)

 

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Statue de Léonard de Vinci à Florence (Italie)

 

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3 octobre 2021 7 03 /10 /octobre /2021 07:48

Gottfried Honegger, Hommage à Jacques Monod,
 1974, Dijon, université de Bourgogne.

 

LA VISION DE L’ART DE GOTTFRIED HONEGGER 
DANS SA LETTRE À JEAN ARP

Gottfried Honegger (1917-2016)

 

Gottfried Honegger, né en 1917 à Zurich et mort en 2016 également à Zurich, est un peintre, graphiste publicitaire et collectionneur suisse.
Il a vécu et travaillé à Paris, Zurich, Mouans-Sartoux (Alpes-Maritimes)…
En 1938, il fonde un atelier de graphisme, de décoration et de photographie.
Entre 1939 et 1960, il séjourne dans différents pays puis revient en France en 1960, où il utilise l’informatique pour des dessins programmés par ordinateur.
Honegger réalise des Tableaux-reliefs aux formats monumentaux.
Il est reconnu comme l’un des piliers de l’art concret (mouvement artistique de tendance abstraite).

Pour lui, l’art a une fonction sociale, ce qui le conduit à concevoir un outil pédagogique : Le Viseur. Cet instrument est destiné à l’apprentissage du regard pour l’enfant : améliorer la perception des couleurs, des formes, du rythme. En 2015, Honegger avait initié des activités plastiques pour les enfants handicapés.

En 2000, avec sa dernière épouse, Subil Albers-Barroer, il fait la donation de leur collection d’art (500 œuvres de 160 artistes) à l’État français.

 

G. Honnegger, sans titre

Ce que Guy Amsellem dit de lui :

« Gottfried Honegger, plasticien, sculpteur, est un des plus éminents représentants de l'art concret international. Son œuvre austère, abstraite, bien que trouvant son inspiration dans l'apparente froideur des figures géométriques, se revendique comme une nouvelle forme d'humanisme. « La laideur nous rend malades ». Rechercher la beauté la plus pure c'est faire œuvre de vérité, d'élucidation (Aufklärung), c'est ouvrir les yeux du public en lui apprenant à voir. La pédagogie, telle est aujourd'hui la mission la plus urgente des arts plastiques. Gottfried Honegger en est à ce point persuadé qu'il a fondé à Mouans-Sartoux, avec sa compagne Sybil Albers-Barrier, l’« Espace de l'art concret ». Outre la plus grande collection française d'art concret, celui-ci offre des ateliers où les écoliers et les collégiens de la région viennent apprendre à voir, et à découvrir ce faisant la créativité en germe en chacun d'eux. » (Guy Amsellem)

Jean Arp, Berger des nuages (1953),

 

Lettre à Jean Arp

« Très cher,

Dans la Frankfurter Allgemeine Zeitung, on peut lire sous le titre « L'art n'est pas libre » que la fondation du centre culturel sarrois veut réorganiser votre musée pour attirer davantage le public. Wolf-Dieter Dube de Berlin, en conservateur expérimenté, a donné aux Sarrois, apparemment incompétents, un conseil audacieux. Il leur a proposé de rendre le musée plus populaire, d'abaisser le niveau, d'offrir plus d'amusements, plus de foule et de chahut. M. Dube du moins est honnête, il dit ouvertement ce que la plupart des politiques et des conservateurs pensent tout bas.

Ainsi par manque d'argent le musée devient lentement un « casino ». La question n'est plus l'art comme notre histoire, l'art vécu comme conviction. Avec le divertissement on croit pouvoir mieux vendre au public l'idée de musée, l'art.
       Les statistiques de fréquentation publiées, le nombre des visiteurs déterminent de nos jours le succès ou l'échec d'une exposition. Récemment, j'ai entendu dire qu'on allait bientôt fêter les mariages, les anniversaires ou les jubilés d'entreprise dans de nobles salles de musée. Cézanne ou Gauguin ou Picasso élèveront sans doute le niveau culturel des participants, ils donneront à la fête l'éclat désiré.

Quand j'ai reposé le journal, mes pensées sont allées à votre œuvre, cher Arp. A l'idée que dans la salle des Arp le Champagne coule à flots, qu'on y fume le cigare, que ça sente la nourriture et qu'on y passe une vidéo aux sons d'une musique légère, je suis malade.

Dans le musée d'Art moderne de la ville de Paris, j'ai assisté aux préparatifs d'une soirée donnée par une boîte d'informatique — devant une grande fresque de Matisse. Je me demande dans quel monde nous vivons, un monde ou tout est jugé selon son rendement ! Déjà la publicité de la plupart des musées me fait plus penser à de la publicité pour des produits commerciaux qu'à de la publicité pour la culture. Rien n'est assez primaire pour attirer le public. On préfère même la langue anglaise.

Je pense à vous, parce que j'ai eu hier dans votre atelier le privilège d'avoir à donner un avis sur des fonts baptismaux auxquels vous travaillez. Encore une fois — ce travail est une sculpture qui tire sa beauté de son évidence, de son silence. La beauté est pour moi le mot clé, ne serait-ce que parce que nous savons que la laideur blesse nos yeux. Vous, mon cher ami, vous avez consacré votre vie à la beauté. Elle est pour vous une nécessité existentielle. Votre art tient du miracle. On essaie de comprendre, d'analyser, de traquer la logique de votre œuvre, et finalement on se retrouve, ravi, au paradis de l'harmonie. Les théoriciens de l'art essaient toujours d'estimer la valeur d'une œuvre, de la mesurer, de la peser, ils voudraient savoir quelle quantité d'art elle contient. Le miracle, oui, nous avons perdu le sens du miracle. Même les gardiens de l'art, les historiens, les conservateurs, les critiques, les artistes eux-mêmes n'opposent plus aucune résistance. Une résistance contre la foire dans les musées. Chacun pour soi, surtout ne vexer personne. Sinon il en irait pour nous comme pour Ernst Gerhard Güse, qui fut longtemps directeur du Musée sarrois. On serait immédiatement congédié. La répression est aujourd'hui omniprésente.

Quand, avec vos amis, vous avez fondé à Zurich le dadaïsme, c'était pour dénoncer la banqueroute des valeurs officielles. Vous refusiez la vision bourgeoise de l'art.

Vous m'avez raconté comment s'est constituée la résistance, comment elle s'est élargie internationalement. Pourquoi, je vous le demande, pourquoi nous taisons-nous, nous les artistes contemporains ? Où peut-on voir une contestation collective ? Que nous manque-t-il aujourd'hui ? Le désir du succès, de l'argent nous a-t-il paralysés ?

Parce que je sens en moi une révolte comme vous autrefois, parce que je ne supporte plus ce vide, cette scène de l'art officiel, je cherche une explication. Je suis devenu artiste pour coopérer, pour apprendre à voir. Parce que je croyais à l'influence de l'art, et y crois toujours, j'ai fondé avec ma compagne Sybil Albers dans le Sud de la France l'Espace de l'art concret. Son succès me prouve que les utopies peuvent devenir réalités. L'Espace de l'art concret essaie par des expositions didactiques d'enseigner le sens et le but de l'art. Les autorités françaises récompensent notre travail par la construction d'un bâtiment destiné à accueillir notre donation. Nous avons rencontré le succès sans pourtant offrir aucune distraction.

En toute modestie, les dadaïstes de Zurich, ville où Sybil Albers et moi sommes nés, étaient pour nous un exemple. Nous avons aujourd'hui la paix en Europe. Mais sous couvert de démocratie, se répand l'embrasement mondial du néo-libéralisme, une puissance d'argent qui dévoile le miracle de la vie. Au lieu de la beauté, elle offre le populisme.

Vous voyez, cher Arp, notre conversation me fait à nouveau croire à l'influence de la beauté. » (Gottfried Honegger, Lettres à, Éditions Jacqueline Chambon)

Jean Arp (1886-1926)

 

Jean Arp, né Hans Peter Wilhelm Arp, en 1886 à Strasbourg (alors en Allemagne) est mort à Bâle (Suisse) en 1966. Il fut naturalisé français en 1926.
Il fut peintre, sculpteur, poète allemand, mais aussi écrivain, photographe, designer.
Son père était allemand mais sa mère, alsacienne, l’avait élevé dans la culture française.
Il fut, entre autre, cofondateur du mouvement dada à Zurich, puis il fut proche du surréalisme.
Il épouse Sophie Taeuber et le couple s’installe à Clamart.
Arp est devenu un artiste mondialement connu. Il a reçu de nombreuses décorations.
Paul Éluard, poète surréaliste, lui dédia un poème dans « Capitale de la douleur »

Un grand nombre de ses œuvres sont exposées au musée d’Art moderne et contemporain de Strasbourg.

Sa seconde épouse, Marguerite Hagenbach, a fait de leur maison-atelier de Clamart la fondation Arp.

 

Jean Arp, Feuilles et gouttes

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28 mars 2021 7 28 /03 /mars /2021 07:43

 

 

Un peu de douceur en ce début de printemps

 

 

ÉTUDE DE CHAT

De Maurice Rollinat

 

 

Longue oreille, des crocs intacts, de vrais ivoires,
Le corps svelte quoique râblu,
Son beau pelage court et gris à barres noires
Lui faisant un maillot velu ;

 

 

Des yeux émeraudés, vieil or, mouillant leur flamme
Qui, doux énigmatiquement,
Donnent à son minois le mièvre et le charmant,
D'un joli visage de femme.

 

 

Avec cela rôdeur de gouttières, très brave,
Fort et subtil, tel est ce chat,
Pratiquant à loisir le bond et l'entrechat,
Au grenier comme dans la cave.

 

 

Aujourd'hui depuis l'aube, ayant bien ripaillé
Au vieux château qui le vit naître,
Il est, sur son fauteuil poudreux et dépaillé,
Accroupi devant la fenêtre.

 

 

Il pleuvasse un peu, mais pour ce craintif de l'eau
L'ondée a trop de violence ;
Il reste au gîte, y fait son ronronnant solo
Dans la musique du silence.

 

 

Confit en sa mollesse, il peine à s'étirer,
Piète, sort sa griffe, la rentre ;
Pour le moment, sans puce, et gavé son plein ventre
Il n'a plus rien à désirer.

 

 

Une poussière ayant picoté son nez rose,
Il éternue, et comme un loir,
Il s'étend paresseux, chargé de nonchaloir,
Et genoux pliés se repose.

 

 

L'œil mi-clos, rêvassant plutôt qu'il ne sommeille,
Gardant l'ouïe et l'odorat,
Il guigne le grillon du mur, flaire le rat,
Écoute ronfler une abeille.

 

 

Le temps passe, à la fin, de sieste en somnolence,
Il s'endort, puis, se réveillant,
Se rendort de nouveau, se réveille en bâillant,
Tant qu'il sort de son indolence.

 

 

Il toussote, se mouche et se désassoupit,
Bombe son échine et la creuse
En redressant sa queue alerte, toute heureuse
D'avoir terminé son répit.

 

 

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13 décembre 2020 7 13 /12 /décembre /2020 07:32

MÉDITONS

RENÉ PHILOMBÉ,
L’HOMME QUI TE RESSEMBLE

René Philombé (1930-2001)

René Philombé (pseudonyme de Philippe Louis Ombédé) (1930-2001)) est un écrivain camerounais, auteur d’une œuvre monumentale qui touche à tous les genres littéraires. Il fut à la fois romancier, poète, essayiste, dramaturge, journaliste…
Il semble que la littérature lui ait plus rapporté que la politique dans laquelle il s’était aussi engagé.
À cheval entre deux cultures, littérature française et mouvement de la négritude, il est à la fois nationaliste et marxiste.
Son œuvre d’une infinie variété est le reflet à la fois de sa vie et de son regard sur les hommes, aussi bien dans son pays qu’en Europe et dans le monde.

Cette œuvre si riche fut couronnée par des prix littéraires :
—prix du meilleur conte du Comité d’expression culturelle de la France d’outre-mer.
—prix Mottart de l’Académie française pour l’ensemble de son œuvre.
—prix Fonlon Nichols de l’African Literature Association.

Parmi cette œuvre immense quelques titres qui reflètent la richesse de la pensée de l’auteur, de son expérience des hommes.

Araignée disgraciée.
Lettres de ma cambuse.
La Voix des poètes camerounais.
Petites gouttes de chant pour créer l’homme.
Les trouble-fêtes d’Africapolis.
Le livre camerounais et ses auteurs.

En définitive, son œuvre s’assimile à un regard affuté sur la vie, les hommes et le monde.

« L'homme qui te ressemble »

J'ai frappé à ta porte
j'ai frappé à ton cœur
pour avoir bon lit
pour avoir bon feu
pourquoi me repousser?
Ouvre-moi mon frère !..
.

Pourquoi me demander
si je suis d'Afrique
si je suis d'Amérique
si je suis d'Asie
si je suis d'Europe ?
Ouvre-moi mon frère !.
..

 

Pourquoi me demander
la longueur de mon nez
l'épaisseur de ma bouche
la couleur de ma peau
et le nom de mes dieux
Ouvre-moi mon frère !
...

Je ne suis pas un noir
Je ne suis pas un rouge
Je ne suis pas un jaune
je ne suis pas un blanc

mais je ne suis qu'un homme
Ouvre-moi mon frère !...

 

      Ouvre-moi ta porte
Ouvre-moi ton cœur
car je suis un homme
l'homme de tous les temps
l'homme de tous les cieux
l'homme qui te ressemble 

                                    René PHILOMBÉ, Petites Gouttes de chant pour créer l'homme

 

 

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