Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

Recherche

17 mars 2013 7 17 /03 /mars /2013 10:03

020-C

 

Comment concilier l’aide au Mali et la faillite de l’État malien ?

 17

Question iconoclaste :

Qu’apporte l’aide au Mali ?

 17

Comment des associations de partenariat, des communes, des départements ou régions, engagés au Mali depuis des décennies au titre de l’aide au développement, n’ont-ils pas vu venir ce drame qui couvait sous les apparences d’une démocratie « modèle » mais qui n’en était pas vraiment une ?


Si le Mali avait été à la hauteur de sa réputation démocratique, en serait-il aujourd’hui dans cette situation de faillite spectaculaire ? Les partenaires en développement n’ont-ils rien vu venir ? Ou, au contraire, ont-ils été conscients et se sont-ils tus ? Aide-t-on le Mali pour s’offrir le spectacle de sa faillite ?


Cette tragédie malienne doit induire la nécessité d’un regard lucide et dépassionné sur l’acte d’aider un pays à se développer, c’est-à-dire à s’assumer pleinement, à s’épanouir, en ayant la maîtrise de son destin.


 

17Pourquoi aider et comment aider ?


Car enfin, comment aider un pays pauvre à émerger si l’on ignore tout de son passé, de son histoire, de ses cultures, du niveau d’intégration de ses différentes composantes sociales et ethniques ?


 

17Quelle aide ? L’aide, une fin en soi ou l’aide au développement ?


Certains de ces partenaires, par leur action inscrite en dehors de toute réalité objective du pays, sans le savoir et malgré leur incontestable volonté d’aider et leur générosité, contribuent au mieux à la stagnation du pays, au pire à sa régression  : économique, sociale, politique…


Certaines pratiques de l’aide ne laissent pas d’interroger, tel l’exemple de cette infirmière retraitée qui, après un voyage d’agrément dans un village africain, de retour en France, réunit autour de sa famille et de quelques amis, une « association d’aide au village X ». Grâce aux dons, une école est construite, puis un centre de soins, et des puits sont creusés. On donne de l’argent à un orphelinat qui voit de ce fait grossir sans cesse ses effectifs. On achète des vivres…


On se donne bonne conscience, en plus de trouver une occupation noble à sa retraite. Le geste est généreux, louable, mais une des conséquences est que le village aidé n’attendra plus que l’aide des Français et la manne tombée du ciel, et sombrera dans une culture d’assistanat, pire que la pauvreté, au lieu d’apprendre à lutter pour vivre, à créer et progresser.


 

17Ils y vont pour faire, non pour apprendre à faire.


Tel autre Français, par "générosité", crée une association de voyage solidaire, « Voyager Autrement », qui organise des vacances solidaires dans un village africain : « Ces séjours de 11 à 14 jours allient découverte d’ethnies [cela rappelle les "zoos humains" des années 30], immersion dans le village, trekking week-end en montagne, initiations à des pratiques artisanales… » Pour le fondateur de l’association, « l’objectif est de participer au développement du village… Ainsi des emplois sont créés, des travaux d’assainissement voient le jour, ainsi que la réfection des classes de l’école… ».


Le geste est certes louable, mais le résultat est le même. On est loin du développement et de ses exigences.


Toute aide à l’Afrique doit être l’aide au développement qui n’admet d’autre priorité que la conscience aiguë des moyens d’y parvenir, matériels, financiers, humains. Il n’y a pas d’autre voie que l’indispensable responsabilisation des « aidants » et des « aidés », volonté de suivre dans la durée, la constance, dans l’effort, la pente rugueuse qui mène au développement. Sans science, sans formation, sans conditionnalités et sans responsabilité et lucidité, le mot développement continuera de s’appliquer longtemps à l’Afrique sous la forme d’un vocable creux, manié sous la forme d’un psittacisme soporifique.


Il n’est nullement question de faire de l’aide au développement un champ de bataille et d’austérité où l’on manie la "chicote", matériellement et moralement. Il ne saurait être non plus question d’interdire aux Français qui se rendent en Afrique, de créer des associations ou de profiter des plaisirs qu’offre le dépaysement ainsi que de la découverte d’autres peuples, d’autres cultures. Mais, pour ceux d’entre eux qui usent du mot développement, cela ne devrait pas faire perdre de vue l’essentiel : aider des populations à réussir leur émergence, en sortant du sous-développement pour s’affirmer comme peuples libres et souverains.


 

17Amitié et aide


Or, il suffit que des Français soient accueillis dans un village africain au son du tam-tam et entrainés dans des danses exotiques, au rythme endiablé du djembé, Oh ! combien grisants, pour qu’ils oublient qu’on ne se développe pas qu’en dansant, mais aussi et surtout en pensant, en imaginant, en retroussant les manches, en innovant, inventant et créant, et non uniquement en consommant ce qui est produit par d’autres.


La chaleur de l’accueil et de l’hospitalité a vite fait d’obscurcir chez certains, la vision des réalités. Le son du djembé résonant dans les cerveaux ne doit pas perturber indéfiniment le bon fonctionnement des neurones, et l’amitié ne doit pas non plus abolir la faculté de discernement lorsqu’il s’agit de développement. Dès lors, on porte des œillères dont on ne se défait plus, et on se laisse ainsi porter par la routine qui n’accepte ni remise en question ni regard extérieur, pour le grand malheur de la cause du développement dont on oublie les fondamentaux. On ne voit plus l’objectif à atteindre, on ne voit plus que les amitiés particulières qui se sont créées ; l’objectif devient le maintien et le renforcement de ces amitiés, et le développement devient affaire privée entre amis.


L’amitié ne doit en aucune manière nuire au langage de responsabilité, au contraire. Aider les Africains, ce n’est pas simplement planter des échalotes, creuser des puits ou créer des poulaillers. C’est pratiquer une rigoureuse pédagogie du développement, c’est savoir et faire savoir, ce qui requiert humilité, réalisme et tact. Aider au développement ne s’improvise pas. C’est un art et une science, mais avant tout, une volonté et une ambition.

 


17Comment aider ?

Aide et « conditionnalités »


Si le plan Marshall, ce vaste projet de reconstruction décidé par les Etats-Unis pour permettre aux États européens bénéficiaires de se relever des ruines et affres du conflit mondial, atteignit ses objectifs en un temps record, en permettant à ces États de se redresser, de recouvrer leur souveraineté et amorcer leur développement économique dans la stabilité politique, c’est sans doute parce qu’il comportait un certain nombre de conditions de rigueur d’utilisation et de garde-fous.


Ces « conditionnalités » de l’aide du Plan Marshall se distinguent de celles imposées par le FMI et la Banque mondiale dans les années 1990. Alors que l’aide apportée aux Européens par les Etats-Unis était en rapport étroit avec l’objectif de reconstruction et de développement des États aidés (même si les Etats-Unis en tirèrent un profit bien calculé), celle du FMI et de la Banque mondiale avait pour finalité première de permettre de rembourser les bailleurs de fonds des dettes contractées par les États africains.

 


17Aider, ce n’est pas seulement faire mais apprendre à faire et faire faire.


fleche 026Peut-on aider sans éducation à la démocratie, à la justice sociale, à la responsabilité individuelle et collective ?


Aider, c’est promouvoir l’éducation dans toutes ses dimensions, y compris l’éducation sanitaire, au rang de priorité, pour que l’eau des puits généreusement créés au titre de l’aide, reste potable et ne soit pas polluée avant d’atteindre les lieux de consommation. Le livre, le goût de la lecture, la culture de l’écrit, doivent demeurer l’objectif primordial.


Aider, c’est conférer à l’école toute sa noblesse et la plénitude de son efficience (et non seulement construire des salles de classe). C’est former, stimuler le cerveau et l’imaginaire, tout en créant des mains habiles. C’est évaluer les acquis pour consolider savoir et savoir-faire ; former des hommes conscients d’eux-mêmes et désireux de s’assumer. [A cet égard, je suis réservé sur l’efficience des jumelages des communes et des établissements scolaires avec l’Afrique comme vecteur de développement. Par contre ils sont très utiles pour l’amitié entre les peuples et l’ouverture à l’autre.]


 

17Et le Mali ?

Gao001-498X500.jpg


Aider ne saurait se limiter à un aspect strictement matériel, financier. Il est nécessaire de connaître et pénétrer la psychologie du peuple malien assez particulière en Afrique.


Aider les Maliens, c’est aider à la pratique de l’humilité, antidote du matérialisme exacerbé, facteur de dessèchement du cœur et d’aliénation de l’esprit. C’est aussi aider les Maliens à se reconnaître frères parce que simplement Maliens et Africains.


Les relations d’amitié et de confiance nouées avec les populations maliennes devraient permettre et faciliter cette pédagogie spécifique, distillée avec discrétion, sans arrogance ni condescendance, sans suffisance.

 

Si les Français et les Tchadiens parviennent à sauver le Mali par les armes, il est du devoir des Maliens de sauver leur pays par une véritable révolution mentale, politique, culturelle.


Après la première victoire, celle de la France et du Tchad, contre les djihadistes fanatiques, la deuxième bataille sera celle livrée par les Maliens contre leurs démons intérieurs, pour se sauver eux-mêmes. Ce ne sera sans doute pas la plus facile, mais la plus vitale car leur avenir en dépend.

 

Aider le Mali c’est aussi accompagner les Maliens dans l’effort de gravir pas à pas les marches qui mènent vers les hauteurs de la fraternité, en se tenant par la main, sans exclusive, condition de la paix dans les cœurs et du développement du pays.


Enfin, d’une manière générale, ce dont l’Afrique a le plus besoin aujourd’hui, c’est moins de croissance à deux chiffres que d’une « subversion pacifique », une révolution de l’esprit dont l’homme africain, son bien-être et sa dignité seront l’objet central.


MB900438299

Partager cet article
Repost0

commentaires

P
<br /> J'adhère complètement à votre conception de l'aide au développement au Mali. Avec notre petite association, depuis 12 ans,  nous essayons de suivre cette voie mais il est vrai qu'en France<br /> l'aide à la formation et à l'éducation est moins considérée que des constructions d'écoles ou de puits. Nous n'avons jamais pu obtenir d'aides financières de la part des autorités territoriales<br /> françaises. Tant pis, cela nous permet de conserver notre indépendance.<br /> <br /> <br /> J'aurais une petite requête à vous formuler : m'autorisez vous à mettre des extraits de votre texte sur mon site et sur ma page Facebook en vous citant comme auteur naturellement.<br /> <br /> <br /> En vous remerciant<br /> <br /> <br /> Marcel Pomares<br />
Répondre
<br /> <br /> Vous avez raison de persister et surtout de continuer à essayer d'infléchir les autorités à épouser votre conception de l'aide.<br /> <br /> <br /> D'autre part, je vous autorise volontiers à utiliser des extraits du blog sur votre site et votre page facebook en mentionnant l'auteur.<br /> <br /> <br /> Amicalement. TD<br /> <br /> <br /> <br />
L
<br /> Je me demande s'il existe un exemple qui permettrait d'illustrer ce que vous préconisez, et qui me semble supposer : coordination des intervenants avec la<br /> population locale, avec les autres intervenants, avec le pouvoir politique local et central... Et, le cas échéant, avec l'UNESCO ou autres grands acteurs mondiaux. Existe-t-il un exemple, un<br /> encouragement, un modèle à ne pas copier mais à méditer amplement ? Amitié, Luc.<br />
Répondre
<br /> <br /> Mon Cher Luc, Ce sont plutôt des contre-exemples que je peux citer. En effet, cette manière d'aider l'Afrique n'a jamais mené un pays au développement. Amitiés. TD<br /> <br /> <br /> <br />