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16 novembre 2014 7 16 /11 /novembre /2014 08:44

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BLAISE DIAGNE : ASSIMILATIONNISTE MILITANT

 gif anime puces 029

L’assimilation, le combat d’une vie

 

Demba & Dupont

Demba et Dupont

 

gif anime puces 467Les fondements d’une doctrine

 

Blaise Diagne se sentait français dans l’âme, en même temps, profondément et constamment soucieux du sort et de l’avenir de ses frères de couleur, sujets français. Là réside sûrement une partie de l’explication de l’extraordinaire dynamisme qui caractérisa son action d’homme politique, en métropole et en Afrique.

S’il refusa la Légion d’Honneur que lui proposait Clemenceau, c’est parce qu’il estimait — affirma-t-il — n’avoir fait que son devoir.

Il est à préciser que Blaise Diagne n’attendit pas d’être promu Commissaire de la République pour se faire connaître par son activisme et sa propension à toucher à tout, et chercher à tout résoudre par le débat et l’action, dès que la République et l’avenir des colonies étaient en jeu, avec une ligne directrice constante : justice, égalité, droits pour tous.

Dès le lendemain de son élection comme député, en 1914, il entra en action de façon visible et décisive, à l’Assemblée comme dans la vie civique en général. Il se trouva rapidement au cœur du débat politique, avec toujours une attention particulière portée aux questions coloniales, attention accrue avec le déclenchement de la Première Guerre mondiale et l’appel de la France à ses colonies.

A cet égard, il attaqua très violemment le général Charles Mangin qui avait toujours préconisé, avant et pendant la guerre, de faire de l’Afrique un « réservoir de soldats ».Ce général fut aussi le premier à réagir, tout aussi violemment à la promotion du député Diagne décidée par le président du Conseil, Georges Clemenceau.

Si, par ironie du sort les deux hommes jouèrent finalement le même rôle : la fourniture massive de l’armée française en combattants noirs, ils le firent pour des raisons bien opposées..

 

Ch. Mangin

Général Charles Mangin

 

Pour Mangin, l’objectif est purement militaire : donner à la France une force combattante capable d’assurer sa défense et son rang dans un contexte d’étiage démographique prononcé, trouver à l’extérieur des forces pour suppléer l’insuffisance de combattants métropolitains.

gif anime puces 851 

 Pour Diagne, la participation des sujets africains à la défense de la « Mère Patrie » était le moyen sans doute le plus sûr et le plus direct d’atteindre l’objectif final : l’assimilation culturelle et civique des sujets ainsi appelés à devenir des citoyens à part entière.

« Il y a affirmait-il le plus grand intérêt à faire passer le plus grand nombre possible d’Africains par l’École de l’Armée, de façon à ce qu’ils soient rendu à leur colonie d’origine plus instruits et mieux pénétrés de l’influence française. »

D’une manière générale, pour lui, « l’aboutissement logique de la colonisation devait être la fusion du colonisateur et du colonisé, dans une égalité absolue des droits et des devoirs » et de ce fait, il se révéla toujours un farouche défenseur d’une « République une et indivisible ».

Cette action de « francisation » complète devait, selon lui, commencer par ses frères « Originaires », ces Français des Quatre Communes qui présentaient alors ce paradoxe de se voir dispensés de l’obligation de la conscription.

Par conséquent, une des toutes premières actions du député élu en 1914 fut de faire prendre un décret, dès 1915, corrigeant cette anomalie. Désormais les Originaires étaient assujettis à l’obligation militaire comme leurs homologues métropolitains. C’était, pour lui, une condition essentielle pour justifier l’égalité des droits avec ces derniers.

 

Revue des troupes

Revue de troupes noires

 

gif anime puces 467Citoyens par les armes

 

Dès lors, le député devint sourcilleux sur le traitement réservé à ces « citoyens-soldats » sur le champ de bataille et dans les casernes. Ces derniers, sans doute encouragés par ce soutien tacite, ne manquaient pas de dénoncer, de plus en plus régulièrement, à partir de 1915, à leur député, « des vexations, des manifestations de racisme ordinaire de la part de cadres subalternes blancs : injures, mépris, voire coups. »

Et, à chaque plainte, le député réagissait aussitôt auprès de la hiérarchie militaire, ce qui finit par irriter quelque peu celle-ci contre « ces indigènes pas comme les autres ».

L’objectif et la démarche de Diagne furent constants : étendre progressivement la citoyenneté à tous les sujets, des Originaires aux autres habitants du Sénégal, puis à ceux de toute l’Afrique française. Sa philosophie se résume ainsi : « la reconnaissance politique et la citoyenneté contre l’acceptation de l’impôt du sang ».

Dans cette optique, il déposa un projet de loi voté en 1919, qui instaure l’obligation du service militaire dans toute l’Afrique française.

gif anime puces 851

Avant de revêtir le costume de Commissaire de la République, il intervenait régulièrement en vue de résoudre les conflits  opposant les autochtones et l’administration, et tentait d’ « adoucir » les méthodes du recrutement. Il intervint ainsi lors de la grave révolte de 1916 dans l’Ouest Volta, déclenchée contre le recrutement, pour tempérer la terrible répression de cette rébellion, en sauvant des villages de la destruction par le feu.

 

casque colo

 

gif anime puces 467Quelques cailloux dans la chaussure

 

La personne et l’action du Commissaire suscitèrent quelques inimitiés tenaces. D’aucuns lui reprochèrent d’avoir « vendu ses frères ». En réalité, l’origine de ces inimitiés était assez variée.

Néanmoins, c’est l’élévation à la dignité de Commissaire de la République qui valut à l’intéressé les plus véhémentes attaques, de même qu’une hostilité durable. Ces attaques venaient de ceux qui s’opposaient d’une part au principe de sa promotion, et d’autre part aux recrutements massifs de soldats en Afrique.

Les premières salves vinrent de son adversaire de toujours, le général Mangin, particulièrement irrité à la nomination d’un « Noir créé chef, démesurément grandi aux yeux de ses congénères », ce qu’il considérait comme «  un danger pour l’avenir ».

Une autre catégorie de Français mécontents de la promotion et de l’action de Diagne fut constituée par des commerçants établis en Afrique, craignant de voir partir pour le front leurs employés autochtones formés, mais surtout le personnel européen. Le président de la Compagnie française d’Afrique occidentale (CFAO), considère qu’une « telle mission conférée à un mandataire indigène, muni de pouvoirs très étendus à la tête d’un groupe important d’officiers français de tous grades, serait de nature à affaiblir le prestige de la race dominante ».

Et toujours en Afrique, les administrateurs, commandants et gouverneurs comptèrent également parmi les farouches opposants à la promotion et au rôle imparti au député (mais, des opposants muets, à quelques exceptions près). Véritablement, ce dernier fut la terreur de ces administrateurs de tous niveaux, constamment sommés de rendre des comptes et de se justifier, dans leurs rapports avec les indigènes, en plus de leur crainte des révoltes susceptibles d’advenir en réaction aux levées en masse de soldats.

Pour d’autres raisons sans doute, Diagne se heurta au jeune et nouveau gouverneur général de l’AOF, Joost Van Vollenhoven, installé à Dakar en 1917, qui voyait en lui l’incarnation de l’action du gouvernement central de Paris et d’une politique de recrutement qu’il désapprouvait dans ses méthodes et ses effets.

 

J.v V

Van Vollenhoven

(Officier et administrateur colonial d’origine néerlandaise, gouverneur de l’Indochine puis de l’AOF. Il fut le plus jeune gouverneur général d’Afrique occidentale française)

 

Le nouveau gouverneur général avait, plus d’une fois, exprimé ce désaccord avec Paris dans des rapports au ministre des colonies.

« Ne peut-on rappeler que, malgré de sanglants avertissements [allusion aux révoltes de populations noyées dans le sang], le commandement a voulu persister dans la guerre des effectifs ? N’est-ce pas lui qui, pour apaiser l’opinion publique (française) dont le sûr instinct allait voir juste, laissa entendre que cette guerre d’effectifs serait alimentée par de la chair noire au lieu de l’être par de la chair blanche ?

[…]

Cet empire africain qui est pauvre en hommes et riche en produits, laissez-lui sa misérable population pour le ravitaillement pendant la guerre et pour l’après-guerre ! Pour tirer de ce pays encore quelques millions d’hommes, on le mettra à feu et à sang et on le ruinera.

Il n’est pas d’homme connaissant la question qui puisse parler autrement que je vous parle et je vous assure que nous ne sommes pas de ces «petits Français ». »

Les propos du gouverneur général adressés au ministre sont parfois d’une véhémence insoupçonnée, tels ceux du rapport dont suit un extrait.

« La France avait demandé à ses colonies d’Afrique occidentale beaucoup plus que l’Angleterre à l’Inde… ; le Blanc était jusqu’alors toléré, parfois même aimé ; en se transformant en agent, il était devenu l’ennemi détesté, l’émule des chasseurs d’esclaves qu’il avait lui-même réduits à merci et auxquels il se substituait désormais. »

w

Rien n’y fait. Paris continua sa « politique indigène » et Diagne triomphait dans sa tournée africaine de recrutement. De guerre lasse le jeune gouverneur général présenta sa démission et rentra en France pour s’engager dans l’armée et rejoindre le front où il fut tué quelques semaines plus tard à 40 ans.

 

 

4014

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commentaires

N
<br /> Ce deuxième article est passionnant et met en lumière l'ambiguité du personnage ...ma sympathie, au final, va à l'administrateur Van Vollenhoven....son retour en France, lui coûta la vie .<br /> Injustice .<br />
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<br /> <br /> Plutôt que le personnage, c'est la mission dont il a eu la charge qui peut paraître  ambiguë pour un certain nombre de raisons.Amitiés TD<br /> <br /> <br /> <br />