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12 mars 2017 7 12 /03 /mars /2017 09:46

L’AFRIQUE, UN CONTINENT SANS TÊTE

 

 

Un bateau ivre, sans gouvernail

 

Le continent perd de sa substance vive à profusion

     Une hémorragie aux conséquences lourdes

 

 

Heureux de fuir son pays natal !

     La délivrance sur le sol d’Europe ?

 

À Ceuta, au péril de sa vie

 

L’Europe au secours des « damnés de la Terre »

Ces départs contraints, cette fuite éperdue sans horizon, sont-ils signe de bonne santé d’un continent ?

Et si l’Europe, plutôt que de contribuer à la recherche d’une solution pérenne au phénomène migratoire en provenance de l’Afrique, faisait le choix de se barricader derrière ses frontières, dans l’illusion d’une hypothétique « Europe forteresse » ?

Que resterait-il à faire ?

 

Se réveiller, prendre conscience de soi et du monde, de son image. Se prendre en main, pour le meilleur ou le pire.

 

L’Afrique, un continent en marche ou en marge ?

     Un pas en avant, trois pas en arrière

 

A-t-on jamais connu, dans les décennies 1960, 1970, 1980, autant de départs massifs de jeunes Africains fuyant désespérément leur terre natale, leur foyer, avec autant de drames et de tragédies diverses ?

Pourquoi l’Afrique a-t-elle manqué la marche de l’industrialisation dès les années 1970 ?

Pourquoi la machine s’est-elle subitement enrayée ?

Et pourquoi l’Afrique peine-t-elle à remonter la pente, à réamorcer la pompe ?

En a-t-elle réellement la volonté ?

À quoi sert un chef d’État en Afrique ?

     À construire ou à détruire une nation ?

                       À servir  ou  se servir?

A-t-on jamais vu, a-t-on jamais entendu un seul chef d’État ou un seul responsable africain, s’émouvoir une seule fois, publiquement, de ces départs massifs, parfois tragiques, de jeunes Africains vers des horizons incertains ?

Le jour où l’on entendra un chef d’État (ou mieux encore le président ou la présidente de l’« Union africaine ») élever la voix contre les passeurs, bourreaux de la jeunesse africaine, le jour où l’on verra un seul chef d’État du continent s’émouvoir de ces tragédies en mer (ou dans le désert) qui déciment la fine fleur de la jeunesse africaine, et prendre l’initiative d’une réflexion au niveau du continent, on aura une bonne raison de ne pas désespérer de l’Afrique.

Instruire, former et informer

Si les chefs d’États ne se sentent pas concernés par ces migrations, mieux par cette saignée du continent, la société civile, en premier lieu la presse, les journalistes et reporters africains ne peuvent-ils jouer, auprès des jeunes, un rôle éminent d’informateurs des réalités de ces migrations désordonnées et dévoreuses de vies et d’avenir pour les individus, les États et le continent ?

Faut-il se résigner à assister, les bras croisés, au naufrage de l’Afrique ? Car, chaque jeune Africain naufragé sur les côtes italiennes, libyennes ou d’ailleurs symbolise le naufrage du continent tout entier : celui de l’avenir.

L’Afrique sera-t-elle l’éternelle naufragée de l’Histoire ?

 

 

Des experts d'organismes internationaux, ceux du Fonds monétaire international (F.M.I.) ou de la Banque mondiale, font certes état d'un « léger mieux » dans certains secteurs de l'économie des États africains : balance commerciale, redressement financier... Or, toute analyse de l'état actuel des pays africains, toute projection sur l'avenir de l'Afrique noire qui ne prendrait pas en compte la dimension humaine des problèmes de ce continent, aurait sur les consciences africaines l'effet d'un tranquillisant, agréable peut-être, mais dangereux parce que de nature à anesthésier la réflexion en oblitérant le jugement sur les réalités profondes, spécifiquement d'ordre structurel.

Les responsables africains ont-ils gagné en qualité depuis les indépendances ? Ont-ils gagné en conscience ? En humanisme ? Ont-ils gagné en raison ? Les Africains laisseront-ils enfin germer ou renaître en eux ce fonds d'humanité et de liberté indispensable à l'accomplissement de l'homme ? Car c'est là que résident aussi les maux de l'Afrique contemporaine. L'Afrique saura-t-elle se montrer capable du sursaut nécessaire pour secouer les pesanteurs de l'histoire ? Car la faillite dont il est question est moins économique qu'humaine, et sur celle- là, ni le Fonds monétaire international, ni la Banque mondiale n'ont aucune prise. Il appartient aux Africains de se prendre en charge, d'apprendre à exister ensemble et d'intégrer dans leur culture cette qualité essentielle sans laquelle aucun progrès ne saurait s'accomplir : celle de se remettre en question.

Le marasme économique et le retard de l'Afrique noire dans son évolution proviennent pour un quart de facteurs naturels et externes et pour trois quarts de facteurs humains propres aux Africains eux-mêmes, car comment peut-on parler de développement lorsque l'on bâillonne son peuple et le réduit en esclavage ?

Comment peut-on parler de progrès lorsqu'on contraint à l'exil les meilleurs cerveaux de la nation ?

Comment peut-on parler de développement lorsqu'on laisse pourrir au fond des prisons les bras les plus valides du pays ?

Comment peut-on parler de développement et de progrès lorsqu'on transforme la jeunesse, force vive de la nation, en une meute de mendiants courant les rues, ou lorsqu'on les embrigade et les intoxique de slogans creux et inhibiteurs ? Quand l’école s’apparente à une fabrique de semi-lettrés ou de lettrés ignorants ?

Comment peut-on parler de progrès et de développement lorsqu'on fait des paysans les parias de la société ?

Comment peut-on parler de progrès enfin lorsqu'on cultive dans le peuple « l'esprit de jouissance et de torpeur » qui le maintient au stade de l’immédiateté, et d’un matérialisme antinomique de la pensée libre et créatrice ?

L'Afrique aurait pu montrer au reste du monde que la richesse peut être autre chose que matérielle ; il y a des gens très riches matériellement mais très pauvres par le cœur ; à l'inverse, il y a des gens très pauvres matériellement mais très riches de cœur. Le danger qui menace l'Afrique noire, c'est celui de la pauvreté matérielle doublée de la pauvreté morale, celle du cœur et de l'esprit. Quel rendez-vous l'Afrique noire veut-elle prendre avec l'avenir ? Le seul développement dont on puisse parler actuellement, qu'il est loisible à chacun de constater en Afrique aujourd'hui, et qui est largement partagé d'un bout à l'autre du continent, c'est le développement de la pauvreté et du dénuement.

Tous ceux qui avaient cru que l'indépendance allait permettre à l'Afrique noire de relever le défi des siècles, sont déçus. Cette indépendance semble au contraire pour l'instant signifier une descente lente et sûre au fond des abîmes de l'histoire des peuples.

Si, au lendemain des indépendances, l'Afrique apparaissait comme un bébé apprenant à marcher, aujourd’hui, après un quart de siècle de souveraineté nationale, elle est en passe de devenir un paralytique qui ne marchera pas. L'Afrique noire n'est pas seulement malade de la sécheresse, elle n'est pas non plus malade seulement de la détérioration des termes de l'échange, elle est surtout malade de la mauvaise gestion, elle est malade de ses dirigeants et du mal-gouvernement, malade d'elle-même.

 

Les projets élaborés et concernant le redressement économique de l'Afrique, le plan de Lagos et le plan alimentaire régional pour l'Afrique sont bien optimistes, voire immodérément optimistes, car aucun des objectifs fixés par ces différents plans ne sera atteint sans la prise en compte du facteur humain dans sa globalité ; et, surtout, aucun objectif d'aucune nature ne sera réalisé si le sort des paysans n'est pas amélioré, s'ils ne bénéficient pas d'un minimum de sollicitude et d'instruction ou de formation pour accroître leur contribution au développement du pays. Faute de quoi, l'Afrique restera une société assistée, or une société assistée est une société qui perd son âme, dès lors que l'assistance ne débouche pas sur l'effort pour un accomplissement personnel de soi.

Les principaux fléaux qui ont chacun l'importance d'une bombe atomique, et qui minent en profondeur l'Afrique actuelle : analphabétisme, démographie incontrôlée, corruption, violation des droits de l'homme. En définitive, la clef de ces problèmes auxquels l'Afrique se trouve confrontée aujourd'hui est dans la main des Africains eux-mêmes ; le F.M.I., l’Union européenne, la Banque mondiale, l'A.I.D. n'y peuvent rien ; elle réside dans une prise de conscience effective, dans la gestion rationnelle et honnête des ressources humaines, dans la foi en l'homme, dans l'esprit de sérieux, dans la volonté de se battre, de vaincre, en un mot dans la volonté de progrès. L'Afrique a les moyens, les ressources matérielles et humaines suffisantes pour relever le défi des siècles ; les mettra-t-elle en œuvre, ou restera-t-elle à jamais cette éternelle accidentée de l'histoire ? (Accident de la traite négrière ; accident de la colonisation ; accident du sous-développement …).

Si les dirigeants africains actuels ne s'éduquent pas avant d'éduquer leurs peuples, dans le sens d'un changement profond des mentalités et d’une lutte sans merci contre l’obscurantisme et le fatalisme, s'ils n'ouvrent pas les yeux sur eux-mêmes et ne donnent pas à leur mission le sens requis, en se mettant à l'écoute et résolument au service des peuples, ils prendront la lourde responsabilité d'engager l'Afrique noire lentement mais inéluctablement dans la voie d'un gigantesque suicide collectif au seuil de l'an deux mille. La tâche de ces dirigeants n'est pas de tout repos, c'est justement la complexité et la difficulté de la tâche qui doit appeler un surcroît de conscience chez eux, chez tous les responsables, à quelque niveau qu'ils se trouvent. Si l'Afrique ne change pas de voie, la situation économique de ce continent, sa situation sociale et morale constitueront la plus grave menace qui pèsera sur le monde de demain, menace aussi importante que celle d'une Troisième Guerre mondiale, et l'obligeront, en tout cas, à laisser sa chaise vide au « banquet de l'universel ».

Si elle ne change pas de voie, il faudra continuer de se poser la question : où va l'Afrique ?

Tidiane Diakité, L’Afrique malade d’elle-même, 1986.

 

 

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