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23 avril 2016 6 23 /04 /avril /2016 08:23

HERBERT MARCUSE : "L'HOMME UNIDIMENSIONNEL": LA SOCIÉTÉ INDUSTRIELLE ET L’ALIÉNATION DE LA LIBERTÉ DE L’HOMME

Modernité et asservissement ?

Herbert Marcuse (1898-1979)

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Une vision critique de la société industrielle moderne

Philosophe et sociologue américain d’origine allemande, Herbert Marcuse développe, dans sa pensée et ses écrits, une vision particulière de la société industrielle moderne.

Dans son ouvrage phare « L’homme unidimensionnel », il critique ce qu’il appelle « la société industrielle avancée ». Selon lui, cette société crée des besoins illusoires qui permettent d’intégrer les individus au système de production et de consommation en les aliénant par le biais des médias et de la publicité. Se crée ainsi un comportement « unidimensionnel », au sein duquel l’esprit critique et les comportements « antisystème » sont progressivement anesthésiés et éliminés.

Afin d’échapper à cette progressive extinction de la pensée libre et agissante, Marcuse préconise l’abolition du travail aliénant et l’avènement d’une science et d’une technique nouvelles, qui seront effectivement et concrètement au service de l’être humain.

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« Le confort, l'efficacité, la raison, le manque de liberté dans un cadre démocratique, voilà ce qui caractérise la civilisation industrielle avancée, et témoigne pour le progrès technique. Quoi de plus rationnel que de supprimer l'individualité en mécanisant les travaux socialement nécessaires mais pénibles ; que de concentrer les petites entreprises dans des unités plus efficaces et plus productives ; que de donner des règles à la libre concurrence parmi des sujets inégalement pourvus ; que de restreindre les prérogatives et les souverainetés nationales qui freinent l'organisation internationale des ressources ? Si cet ordre technologique nécessite également une coordination politique et intellectuelle, c'est peut-être une évolution regrettable mais cependant prometteuse. »

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Les droits et les libertés en déclin ?

« Les droits et les libertés qui étaient des facteurs essentiels, aux premiers stades de la société industrielle, perdent leur vitalité à un stade plus avancé, ils se vident de leur contenu traditionnel. La liberté de pensée, de parole et de conscience – tout comme la libre entreprise qu'elle servait et protégeait – faite d'idées essentiellement critiques, visait à remplacer une culture matérielle et intellectuelle surannée par une autre plus efficace et plus rationnelle. Quand ils furent institutionnalisés, ces libertés et ces droits partagèrent le destin de la société dont ils étaient devenus partie intégrante. La réalisation escamote les prémisses. »

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Aliénation de l’esprit critique ?

« À mesure que devient réalisable la libération à l'égard de la misère, contenu concret de toute liberté, les libertés liées à un stade inférieur de productivité perdent leur contenu originel. L'indépendance de pensée, l'autonomie, le droit à une opposition politique sont privés de leur fonction essentiellement critique dans une société qui, par son organisation, semble chaque jour plus apte à satisfaire les besoins individuels. (...)

La "fin" de la rationalité technologique est un objectif que pourrait réaliser la société industrielle avancée. C'est la tendance contraire qui s'affirme actuellement : l'appareil fait peser ses exigences économiques, sa politique de défense et d'expansion sur le temps de travail et sur le temps libre, dans le domaine de la culture matérielle et intellectuelle. De la manière dont elle a organisé sa base technologique, la société industrielle contemporaine tend au totalitarisme. Le totalitarisme n'est pas seulement une uniformisation politique terroriste, c'est aussi une uniformisation économico-technique non terroriste qui fonctionne en manipulant les besoins au nom d'un faux intérêt général. Une opposition efficace au système ne peut pas se produire dans ces conditions. Le totalitarisme n'est pas seulement le fait d'une forme spécifique de gouvernement ou de parti, il découle plutôt d'un système spécifique de production et de distribution, parfaitement compatible avec un "pluralisme" de partis, de journaux, avec la "séparation des pouvoirs". »

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Le totalitarisme de la production et de la consommation

« La société industrielle a atteint le stade où on ne pourra plus définir la société véritablement libre dans les termes traditionnels de liberté économique, politique, et intellectuelle ; non que ces libertés aient perdu leur signification, mais elles ont, au contraire, trop de signification pour être enfermées dans le cadre traditionnel. »

Herbert Marcuse, L’homme unidimensionnel, Éditions de Minuit, 1968, traduit.

NB. Le pessimisme de Marcuse au sujet des sociétés industrielles modernes est-il justifié ?

 

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