Où en est-on ? Entre imbroglio et flou
Au plan institutionnel
Au plan politique
Au plan territorial
Quelle issue ? La CEDEAO ? L’Union africaine ? La France ? L’ONU ?
Une constitution brouillée
S’agissant des institutions, le moins qu’on puisse dire, c’est qu’elles sont actuellement sens dessus dessous, sans doute pour longtemps.
Quid des élections libres, transparentes et démocratiques ?
Quid de la laïcité… ?
Le trouble vient sans aucun doute de l’intrusion d’une frange de l’armée, en l’occurrence la mouvance des putschistes du 22 mars 2012 dans la vie politique et au sein du gouvernement du pays. A l’évidence, une clarification s’impose rapidement pour une lisibilité et une vision claire des institutions.
Faut-il abroger la Constitution d’avant le 22 mars ? Dans l’affirmative, qui seront les futurs constituants, les auteurs et acteurs de la nouvelle Constitution ? En la circonstance, le plus tôt serait le mieux, afin de fixer des repères, condition de la stabilité.
Qui gouverne aujourd’hui ?
Les politiques? Les militaires? Les religieux?
Jamais la formation d’un gouvernement n’aura été autant attendue par les Maliens et par la communauté internationale.
Certes, un nouveau gouvernement dit « d’union nationale » a vu le jour le 20 août dernier. En soi c’est une excellente nouvelle pour le pays, si la mise en place de la nouvelle équipe permet avant tout de restaurer l’autorité du président intérimaire, victime d’une sauvage agression le 16 mai dans son bureau du Palais présidentiel par des partisans de la junte, et qui fut de ce fait contraint à un exil sanitaire de deux mois à Paris. Rentré au pays le 27 juillet, il a tenu des propos à la fois fermes et rassurants, sur sa détermination à restaurer l’intégrité du pays et la cohésion nationale. Avec quels moyens ?
Ce qui n’est pas dit, c’est que ce gouvernement a été mis en place suite à un ultimatum de la CEDEAO menaçant le Mali d’exclusion de cette organisation sous -régionale. Cet ultimatum, initialement fixé au 31 juillet 2012, fut prorogé de quelques semaines. Cela expliquerait-il une certaine précipitation dans la composition du gouvernement que certains jugent bien bancal ?Un gouvernement écartelé entre pro et anti- junte, entre sceptiques et attentistes.
L’objectif de la CEDEAO étant le rétablissement de la légalité institutionnelle incarnée par un gouvernement dont seraient écartés définitivement les militaires putschistes. Tel était aussi le souhait de la communauté internationale.
La mission assignée à ce gouvernement :
la reconquête d’urgence du Nord afin d’éradiquer la menace islamiste pour le Mali et pour l’ensemble de la région, voire du continent.
l’organisation rapide d’élections libres et démocratiques conformes à la Constitution du pays.
Or, les militaires du capitaine putschiste Sanogo sortent renforcés dans ce gouvernement où ils occupent 5 ministères de premier rang (contre 3 dans le précédent), dont la Défense, la Sécurité intérieure, l'administration du territoire... La CEDEAO n’était pas seule à exiger le départ des militaires. Cette exigence était partagée à la fois par l’Union africaine, l’Europe et les Etats-Unis. L’ambassadeur américain à Bamako publia dès l’annonce du nouveau gouvernement un communiqué félicitant le Mali pour la formation d’un gouvernement d’union nationale mais avec cette réserve qui en dit long :
« Nous renouvelons nos appels pour que le CNRDRE [appellation de l’équipe de la junte] se retire de la vie politique et nous demeurons très sceptiques sur l’intérêt de garder quelque rôle que ce soit pour le capitaine Sanogo dans les institutions politiques du pays. »
Pour l’anecdote : ce capitaine putschiste avait exigé comme compensation à sa non-participation au premier gouvernement suivant le coup d’Etat, de jouir des avantages d’un ancien chef d’Etat, ce qui lui fut accordé par la CEDEAO, qui revint sur sa décision quelques mois plus tard.
Quant aux Maliens eux-mêmes, si beaucoup se disent soulagés de voir enfin un gouvernement reprendre en main le pays, on compte presque autant de mécontents qui qualifient de mascarade ce gouvernement destiné selon eux à légaliser la mainmise de la junte sur la politique du pays.
Quant aux ressortissants du Nord (qui prennent leurs distances avec les séparatistes), regroupés dans un collectif, ils dénient à ce gouvernement la qualification « union nationale », s’estimant peu représentés dans la nouvelle équipe. Il en va de même pour les femmes qui n’obtiennent que 3 ministères sur 31. Certains y voient un mépris pour la femme malienne, mais aussi la main de la mouvance islamiste.
Mais surtout
La création d’un ministère des Affaires religieuses et du Culte irrite un certain nombre de Maliens qui y voient une grave violation du caractère laïc de l’Etat et un intolérable dévoiement des institutions, également la poussée de la mouvance religieuse.Dans ce pays, en effet,les religieux sont en passe de remplir le vide laissé par les politiques.
Le maintien à la tête de la nouvelle équipe du Premier ministre, Ch. Modibo Diarra, est loin de faire l’unanimité, parce que beaucoup le jugent incompétent, en partie responsable de l’enlisement actuel du pays, mou, dépassé, sans vision, plus grave, aux ordres du capitaine Sanogo. Une bonne partie de la communauté internationale, y compris la CEDEAO, partage le même jugement.
Il existe encore bien d’autres griefs formulés à l’encontre de ce gouvernement.
Un territoire en lambeaux
Les 2/3 nord du pays sont occupés par des islamistes qui renforcent, de jour en jour, leur pouvoir sur une population démunie, abandonnée à son sort et victime des pires exactions. Des centaines de milliers de ressortissants du Nord ont pris d’assaut les frontières des pays voisins où ils vivent dans des camps de misère.
Quelle marge de manœuvre pour un assainissement de la situation et pour remettre le Mali sur pied ?
Le gouffre du déclin
Quelle sortie ? Par qui ? Comment ?
Il faut forcer l’optimisme, du moins pour le court terme, pour la résolution de cette crise malienne.
Les pays médiateurs, le Burkina et la Côte d'Ivoire,tout comme la CEDEAO,sont sévèrement jugés pour leur gestion inefficace et brouillonne de la crise.
.
Une intervention militaire directe de la France semble exclue pour plusieurs raisons :
Ancien pays colonisateur, responsable selon certains Maliens de la situation actuelle par son intervention en Lybie
Soupçonnée de complot, sinon de connivence avec les Touaregs de l’AZAWAD pour combattre les islamistes.
Et bien d’autres griefs liés à de vieux contentieux, notamment en rapport avec l’immigration clandestine.
L’ONU ?
Intervention sans doute improbable dans l’immédiat.
Des réticences au Conseil de sécurité où l’on estime –à tort ou à raison- que la paix mondiale n’est pas menacée au Mali et que la situation humanitaire n’est pas préoccupante à ce point.
La CEDEAO ?
Elle prépare, dit-on, le déploiement d’une force militaire de 3 000 à 3 300 soldats pour intervenir au Mali. Mais sur quelles bases et avec quels moyens ? (Les militaires putschistes et leurs partisans sont hostiles à toute intervention sur le sol malien.)
Ce projet de la CEDEAO ne peut prendre corps qu’à un certain nombre de conditions :
°l’appui sans réserve de la communauté internationale sous mandat de l’ONU.
l’accord et la participation sans équivoque de l’Algérie. (Sans ce pays rien ne peut se faire dans la région).
Une solution à minima qui consisterait à engager une négociation avec les Touaregs de l’AZAWAD qui aboutirait à l’octroi d’une forme d’autonomie à définir au sein d’un ensemble malien ?
A propos du Mali, à ce jour, il existe plus de questions que de réponses.
Espérons que la solution viendra à la fois de la sagesse et de l’intelligence des hommes, dans et hors du Mali. Mais surtout, un effort d’imagination, de la volonté et beaucoup de courage de la part de tous.